CopierCopier dans le presse-papierPour indiquer l’adresse de consultation« Thomas de Cantimpré - Livre de la Nature — Livre VI. Les monstres marins.  », in Bibliothèque Ichtya, état du texte au 21/11/2024. [En ligne : ]
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Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.

LV. De vacca maris [« la vache de mer » : création littéraire1identificationIl ne faut pas trop vite reconnaître dans la vacca marina un parent du vitulus marinus, qui est le phoque. Le nom vacca maris apparaît à plusieurs reprises dans la traduction latine de Michel Scot, auquel Thomas de Cantimpré (TC 6, 55) a emprunté, sans toujours les comprendre, les informations qui figurent dans sa notice. C’est par ce syntagme que Michel Scot rend compte, via l’arabe, du grec βοῦς, traduit « bœuf marin » par Louis. De Saint-Denis 1966b, 233-235, Louis 1968, 6, n. 4, et Kitchell & Resnick 1999, 1706 et n. 326, l’ont identifié comme étant la raie cornue (Mobula mobular Bonnaterre, 1788), sorte de sélacien. C’est en effet au sein de cette famille qu’Aristote (Arist. HA 540 b 18-20) place l’animal. L’identification cependant n’est pas claire, car Aristote lui-même, expliquant ailleurs la reproduction des cétacés, animaux vivipares, nomme parmi ceux-ci « le poisson-scie et le bœuf marin » (Arist. HA 566 b 2-4 : « Le dauphin, la baleine et les autres cétacés, qui n’ont pas de branchie mais un évent, sont vivipares, de même que le poisson-scie et le bœuf marin »). Louis 1968, 86, n. 5, corrige aussitôt l’information : « Les poissons-scies, dont quelques spécimens se rencontrent en Méditerranée, sont en réalité des sélaciens, comme d’ailleurs le bœuf marin qui est une espèce de raie, la raie cornue ». Quoi qu’il en soit, les informations que Thomas de Cantimpré a associées à ce nom n’ont rien à voir avec la raie cornue : la viviparité de l’animal rappelle le phoque, mentionné peu après (Arist. HA 567 a 1-2 MS), ou encore le dauphin. C’est d’ailleurs à la description de ce dernier (Arist. HA 566 b 16 MS) que Thomas de Cantimpré doit la plupart des éléments qu’il donne à propos de la vacca marina : la durée de sa croissance, celle de sa gestation ou encore sa capacité à vivre jusqu’à 130 ans, ce que l’on peut vérifier, reprend-il encore à Aristote, en coupant la queue de l’animal.]

Lieux parallèles : AM, [Vacca] (24, 135 (59)) ; VB De vacca et vitulo marino (17, 135) ; HS, Vacca et vitulus marinus (4, 99).
2. [α] TC
[β] Arist. HA, 566 b 2
[γ] Arist. HA, 566 b 16 MS ?
[α] La vache de mer, à ce que dit Aristote, est un monstre grand et fort, et irritable quand on lui fait du mal.[β] Cet animal ne pond pas d’œuf, mais met au monde un petit : deux tout au plus et plus souvent un seul. [γ] Le petit achève sa croissance en dix ans. Sa mère le nourrit longtemps et l’emmène avec elle partout où elle va, parce qu’elle le chérit tendrement. Et il faut noter que la durée de gestation est de dix mois. Cet animal a une durée de vie de cent trente ans, comme on l’a vérifié en lui incisant la queue2explicationPline signale le fait, mais au sujet du dauphin. Plin. nat. 9, 22 : Viuont et tricenis, quod cognitum praecisa cauda in experimentum, « Ils vivent jusqu’à trente ans : on s’en est rendu compte en faisant une entaille à la queue <de certains sujets>, à titre d’expérience » (De Saint-Denis 1955, 44). On peut comprendre que des animaux ont été « marqués » par une incision à la nageoire caudale, ce qui a permis leur identification par la suite et constituerait sans doute la première évocation d’une telle expérience encore pratiquée aujourd’hui..

Notes d'identification :

1. Il ne faut pas trop vite reconnaître dans la vacca marina un parent du vitulus marinus, qui est le phoque. Le nom vacca maris apparaît à plusieurs reprises dans la traduction latine de Michel Scot, auquel Thomas de Cantimpré (TC 6, 55) a emprunté, sans toujours les comprendre, les informations qui figurent dans sa notice. C’est par ce syntagme que Michel Scot rend compte, via l’arabe, du grec βοῦς, traduit « bœuf marin » par Louis. De Saint-Denis 1966b, 233-235, Louis 1968, 6, n. 4, et Kitchell & Resnick 1999, 1706 et n. 326, l’ont identifié comme étant la raie cornue (Mobula mobular Bonnaterre, 1788), sorte de sélacien. C’est en effet au sein de cette famille qu’Aristote (Arist. HA 540 b 18-20) place l’animal. L’identification cependant n’est pas claire, car Aristote lui-même, expliquant ailleurs la reproduction des cétacés, animaux vivipares, nomme parmi ceux-ci « le poisson-scie et le bœuf marin » (Arist. HA 566 b 2-4 : « Le dauphin, la baleine et les autres cétacés, qui n’ont pas de branchie mais un évent, sont vivipares, de même que le poisson-scie et le bœuf marin »). Louis 1968, 86, n. 5, corrige aussitôt l’information : « Les poissons-scies, dont quelques spécimens se rencontrent en Méditerranée, sont en réalité des sélaciens, comme d’ailleurs le bœuf marin qui est une espèce de raie, la raie cornue ». Quoi qu’il en soit, les informations que Thomas de Cantimpré a associées à ce nom n’ont rien à voir avec la raie cornue : la viviparité de l’animal rappelle le phoque, mentionné peu après (Arist. HA 567 a 1-2 MS), ou encore le dauphin. C’est d’ailleurs à la description de ce dernier (Arist. HA 566 b 16 MS) que Thomas de Cantimpré doit la plupart des éléments qu’il donne à propos de la vacca marina : la durée de sa croissance, celle de sa gestation ou encore sa capacité à vivre jusqu’à 130 ans, ce que l’on peut vérifier, reprend-il encore à Aristote, en coupant la queue de l’animal.

Notes d'explication :

2. Pline signale le fait, mais au sujet du dauphin. Plin. nat. 9, 22 : Viuont et tricenis, quod cognitum praecisa cauda in experimentum, « Ils vivent jusqu’à trente ans : on s’en est rendu compte en faisant une entaille à la queue <de certains sujets>, à titre d’expérience » (De Saint-Denis 1955, 44). On peut comprendre que des animaux ont été « marqués » par une incision à la nageoire caudale, ce qui a permis leur identification par la suite et constituerait sans doute la première évocation d’une telle expérience encore pratiquée aujourd’hui.