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III. De ahune [le serran, le mulet1]

2. [α] TC
[β] Arist. HA, 591 b 1-5 MS
[γ] TC
[δ] Arist. HA, 591 b 5-8 MS
[α] L’ahune est un monstre de la mer, à ce que dit Aristote2. [β] Cet animal est plus vorace que toutes les autres bêtes de la mer. Il vit de la chasse et tout ce qu’il mange contribue à l’engraisser. Par conséquent, son ventre gonfle au-delà de ce qu’on peut imaginer et de ce qui convient à sa taille3. Quand cet animal redoute un danger, il cache sa tête en lui-même de la manière suivante : il se ramasse sur lui-même à la manière d’un hérisson. En effet, il est si gros et gras qu’en contractant sa peau et ses chairs il se replie et dissimule en lui-même les extrémités de son corps, de manière à ce qu’elles ne soient plus visibles. Cependant, il n’agit pas ainsi sans se causer parfois à lui-même quelque dommage. En effet, il craint la mort à tel point que, tant qu’il voit un danger le menacer, il garde la tête cachée dans son corps et, tant qu’il sent que le danger n’est pas écarté et que la bête qui est à l’affût ne s’est pas éloignée, il ne relève pas du tout la tête, qu’il garde cachée en lui-même. Mais lorsqu’il est tenaillé par la faim, il mange ses propres chairs, préférant se nourrir partiellement de lui-même que devenir la proie d’autres bêtes et se trouver totalement dévoré4. [γ] Cet exemple est à l’inverse de ce que fait l’homme misérable : celui-ci, lorsqu’il voit son corps ou son âme exposés à un péril imminent, ne consacre pas ses efforts à éviter le monde, la chair ou les démons, ennemis de son salut, en consommant sa propre chair par le jeûne et l’abstinence de nourriture et de boisson, ce que lui permettraient son poids ou son embonpoint exubérant. Nous voyons en effet très clairement que les hommes échappent souvent au péril de la mort par l’abstinence corporelle : par exemple on évite l’hydropisie en s’abstenant de boire et on écarte les fièvres et de nombreuses maladies en s’abstenant de manger. [δ] Cet animal5 n’a pas d’estomac et pour cette raison, quand il a mangé, son ventre gonfle beaucoup ; et, quand celui-ci ne peut pas se dilater davantage, il rejette par la bouche les poissons qu’il a avalés ; et c’est facile, parce que sa bouche et son estomac sont contigus6, si bien qu’il n’a pas de cou, de même que les autres animaux marins : aucun poisson en effet n’a de cou.