Fichier nativement numérique.
Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.XVI. De delphinis [les dauphins1identificationDans le genre Delphinus figure le dauphin commun (Delphinus delphis Linné, 1758). C’est l’identification donnée par D’Arcy Thompson 1947, 52, et André 1986, 188, n. 343. Sur sa présence dans la latinité, cf. De Saint-Denis 1947, 31.]
[β] Plin. nat.9, 20
[γ] Sol. coll.12, 4
[δ] Arist. HA, 566 b 21-23 MS5explicationLe texte grec, plus précis, indique que les dauphins disparaissent pendant trente jours au moment de la canicule. Dans la traduction de Michel Scot, il ne reste de cette précision que les termes ambulat sub pelago, « la femelle se promène sous l’eau », que Thomas de Cantimpré semble interpréter, dans la foulée de son contresens sur edunt, comme une tentative de se cacher pour échapper aux mâles.
[ε] Sol. coll.12, 4
[ζ] Arist. HA, 566 b 18-21 MS
[η] Sol. coll.12, 4
[θ] Sol. coll.12, 4
[ι] Sol. coll.12, 5
[κ] Arist. HA, 536 a 2-4 MS
[λ] Arist. HA, 503 a 2 MS
[μ] Plin. nat.11, 137
[ν] Arist. HA, 537 a 30- 537 b 3 MS
[ξ] Arist. HA, 566 b 23-25 MS
[ο] Sol. coll.12, 6
[π] Plin. nat.9, 28
[ρ] Arist. HA, 506 b 4-5
[α] Il y a aussi dans la mer, à ce que disent Jacques de Vitry et Solin, des dauphins, bêtes aux apparences très diverses2explicationThomas de Cantimpré fait ici un contresens sur sa source : Solin en effet écrit qu’on trouve chez les dauphins « des raisons d’émerveillement de toute sorte » (in quibus causae miraculi multiformes) ; Thomas de Cantimpré en fait des animaux aux « apparences très diverses » (speciei multiformis). Notons que le terme belua n’est pas utilisé par Pline, ni par Solin, pour désigner le dauphin.. [β] Aucune créature plus rapide n’habite la mer. Et s’ils n’avaient la bouche, située sous le rostre, presque au milieu du ventre, aucun poisson n’échapperait à leur vélocité. Mais la providence de la nature les freine, puisqu’ils ne peuvent attraper et garder leurs proies que s’ils sont sur le dos, à l’envers3explicationCette description est issue d’Aristote via Pline. Mais le dauphin ne nage pas sur le dos pour attraper ses proies, et le « dauphin » décrit ici ressemble plutôt à un requin, tant par son anatomie (la gueule située sous la tête, sur la surface ventrale) que par son comportement (sa rapidité dans l’attaque et son agressivité). Cependant, le requin ne se met pas sur le dos pour attaquer ; il agresse ses proies par surprise, arrivant derrière elles et le plus souvent par-dessous.. [γ] Le dauphin met ses petits au monde au bout de dix mois de gestation. Lorsque les femelles mettent bas, les mâles dévorent leur progéniture 4explicationThomas de Cantimpré commet ici un contresens important sur sa source. Solin en effet écrit : catulos edunt, « Ils mettent au monde des petits ». Thomas de Cantimpré comprend « ils mangent leurs petits » et glose cette information.[δ] et les mères se cachent avec leurs petits. Elles les aiment en effet très tendrement et pendant une longue période elles les emmènent derrière elles, et ils suivent leur mère sous l’eau. [ε] Mais quand les petits sont parvenus à la force de l’âge, s’ils ne sont pas robustes, leurs mères les accompagnent encore6explicationSolin écrit simplement : Invalidos aliquantisper prosecuntur, « tant qu’ils sont faibles, elles les accompagnent assez longtemps ».. [ζ] Les petits des dauphins, selon Aristote, grandissent vite et continuent à grandir jusqu’à l’âge de dix ans. Les petits, à dix mois révolus, commencent à s’accoupler et se reproduisent7explicationIl y a ici une erreur : les femelles atteignent leur maturité sexuelle à douze ans, les mâles vers quinze ans, et ils ne commencent à se reproduire que plus tard. Cette erreur se comprend par une mauvaise lecture de Thomas de Cantimpré : la durée de dix mois pour la gestation indiquée par Michel Scot (impregnatur per decem menses, « la gestation dure dix mois ») est devenue un âge de maturité sexuelle.. Les dauphins ne mettent bas qu’en été, jamais en hiver. [η] Les mères allaitent les petits. Parfois elles abritent leurs petits, lorsqu’ils sont tout jeunes, dans leur bouche8explicationOn trouve le même contresens sur la baleine dans une grande partie des textes antiques et médiévaux. L’origine en est un passage d’Aristote sur les cétacés (Arist. HA 566 b 17). Les traducteurs ont, semble-t-il, mal interprété le verbe grec εἰσδέχονται au sens de « retirer en eux-mêmes », d’où « cacher dans leur ventre », alors qu’il signifiait simplement « accueillir, accepter à leurs côtés » (Bodson 1983, 398 n. 19, 400-401 n. 30). C’est ainsi que par exemple Louis 1968, 87, traduit le texte d’Aristote : « le dauphin et le marsouin ont du lait et allaitent leurs petits, et ils les retirent en eux-mêmes tant qu’ils sont de taille réduite ». Pour rendre compte de ce passage, Pline écrit : atque etiam gestant fetus infantia infirmos, « et même ils portent leurs petits lorsqu’ils sont encore tout jeunes et faibles » ; Michel Scot traduit le passage d’Aristote par cubant eos. Thomas de Cantimpré se contente ici de suivre Solin, qui imagine que les dauphins prennent les petits déjà nés non pas dans leur ventre, mais dans leur bouche, peut-être à la suite d’un rapprochement avec la baleine, souvent évoquée dans le même contexte, à qui on prêtait cette aptitude du fait de sa grande taille (sur ce point, voir Gauvin 2021).. [θ] Ils n’ont pas la bouche au même endroit que les autres bêtes, mais sur le ventre, et contrairement aux autres animaux vivant dans les eaux, ils sont les seuls à avoir une langue mobile. Leurs nageoires dorsales sont pointues [ι] et lorsque ces bêtes sont en colère, elles se dressent bien droites. Mais lorsqu’ils sont paisibles, elles se dissimulent dans des replis du corps9explicationCette précision aussi étrange qu’inexacte n’est ni chez Pline, ni chez Aristote.. On dit qu’ils ne respirent pas dans l’eau, et qu’ils n’inspirent l’air nécessaire à la vie qu’à l’extérieur de l’eau. Ils ont pour voix un gémissement, semblable à celui d’un homme, [κ] et cela vient de ce qu’ils ont un poumon et une veine rugueuse10explicationLe syntagme nominal vena aspera employé par Thomas de Cantimpré vient de la traduction latine de Michel Scot (Arist. HA 535 b 33 - 536 a 4 MS) : Delfinus in omnibus sibilat <et> strepit<us> eius est similis voci, quoniam habet pulmonem et venam asperam, et lingua eius non est absoluta, nec labia eius perveniunt ad distinguendum vocem, « Le dauphin ne sait que siffler et son cri est semblable à une voix parce qu’il a un poumon et une veine rugueuse, que sa langue n’est pas déliée et que ses lèvres ne parviennent pas à former des sons distincts ». Il s’agit en fait de désigner la trachée artère du dauphin que Théodore Gaza appellera plus tard arteriam. En outre, Pline ne s’accorde pas avec Aristote au sujet de la description de la langue du dauphin, comme l’a fait remarquer De Saint-Denis 1955, 105, § 23, n. 1, car, selon Pline (Plin. nat. 9, 23), au même paragraphe, la langue du dauphin est déliée (lingua est his contra naturam aquatilium mobilis, breuis atque lata, haud differens suillae, « leur langue, contrairement à la conformation des bêtes aquatiques, est mobile, courte et large, peu différente de celle du porc » (De Saint-Denis 1955, 45)), contrairement à ce que dit Aristote (cité ci-dessus) : « comme sa langue n’est pas déliée et qu’il n’a pas de lèvres, il ne peut pas émettre de sons articulés » (Louis 1964, 149). Concernant les poumons du dauphin, cf. encore Arist. HA 506 b 4-5 ; Arist. HA 566 b 2-16 et Arist. HA 589 b 5-11. ; leur langue n’est pas libre, et leurs lèvres ne parviennent pas à former des sons distincts. [λ] Ils n’ont pas d’oreilles, mais un orifice leur en tient lieu. [μ] Les dauphins n’ont pas non plus d’organes olfactifs visibles, et cependant ils ont un odorat très développé. [ν] Ils dorment à la surface de l’eau, de sorte qu’on peut les entendre ronfler. [ξ] Ils vivent très longtemps, jusqu’à cent quarante ans ; c’est ce qu’assure l’Experimentator, <et on l’a vu> après avoir coupé la queue d’un dauphin11explicationDans la traduction latine d’Aristote (Arist. HA 566 b 23-25 MS), on trouve : Et iam viderunt delfin centum triginta annorum et alium centum et viginti annorum ; et sciebatur hoc quoniam amputabant eorum caudas : « et on a déjà vu un dauphin de 130 ans et un autre de 120 ans ; et on le savait en leur coupant la queue ». Pourtant, Aristote enseigne que le dauphin vit jusqu’à 25 ou 30 ans. Pline (Plin. nat. 9, 22) dit aussi qu’ils vivent jusqu’à 30 ans ; et de fait, la durée de vie du dauphin est de 30 à 40 ans. L’idée qu’on peut connaître l’âge d’un dauphin en incisant sa queue remonte à Aristote (Arist. HA 566 b 26).. [ο] Ils entendent très bien lorsque souffle l’Aquilon ; mais, lorsque c’est l’Auster, ils sont privés d’ouïe12explicationC’est Solin qui est ici responsable du contresens. Il prend en effet l’information chez Pline, qui écrit : Totusque populus e litore quanto potest clamore conciet Simonem ad spectaculi euentum, celeriter delphini exaudiunt desideria aquilonum flatu uocem prosequente, austro uero tardius exaduerso referente, « Et depuis le rivage tout le peuple appelle Simon [le dauphin] à conclure le spectacle, en criant aussi fort que possible ; si c’est l’aquilon qui souffle, portant les voix, les dauphins exaucent rapidement son souhait ; mais si c’est l’auster, qui ramène les cris vers la côte, ils sont plus longs à le faire ».. La musique les charme, ils aiment le chant des flûtes et, lorsqu’ils l’entendent, ils s’approchent en bancs. [π] Alors que des marins, en mer, s’apprêtaient à tuer Arion, le citharède, celui-ci obtint d’eux de pouvoir chanter, auparavant, en s’accompagnant à la cithare. Les dauphins se réunirent pour entendre son chant ; alors qu’il s’était jeté dans la mer, l’un d’eux le recueillit et le transporta jusqu’au rivage13explication La légende d’Arion a été largement exploitée par les littératures grecque et latine, depuis Hérodote. Cf. De Saint-Denis 1955, 106, § 28, n. 2.. [ρ] Selon Aristote, il est le seul animal à n’avoir pas de fiel.
[σ] Plin. nat.9, 33
[τ] Exp.?
[υ] ?
[φ] TC
[χ] ?
[ς] Les petits dauphins restent toujours ensemble, comme en troupeau, et ils ont deux grands dauphins comme gardiens. Et si l’un d’eux meurt, les autres l’emportent sur leurs épaules et le gardent jusqu’à ce qu’une tempête le rejette sur le rivage. Ils gardent leurs morts, afin que les autres poissons ne les mangent pas. Ils ont en effet les uns pour les autres une affection extraordinaire. [σ] De là vient qu’on rapporte, d’après le témoignage de Pline,cette histoire : un dauphin avait été capturé par le roi de Carie ; les autres, formant une foule immense, affluèrent au port, où le dauphin était retenu prisonnier. Comme ils pleuraient et semblaient implorer sa pitié, le roi ordonna qu’on le libérât. [τ] Selon l’Experimentator, si un homme mange de la chair de dauphin et qu’il tombe à la mer, il est aussitôt dévoré par les dauphins si ceux-ci le trouvent. [υ] Mais, s’il n’en a pas mangé, ils le portent sur leurs rostres, l’amènent au rivage et le défendent contre les autres poissons. [φ] Comment peut-il se faire que les dauphins sachent qu’un homme a mangé du dauphin ? Je ne peux le comprendre, à moins que ce ne soit un secret de la nature dans lequel se révèle l’admirable puissance de Dieu, comme dans bien d’autres choses. [χ] Une foule d’autres poissons suit les dauphins. Les pêcheurs le savent et pêchent dans leur sillage.
[ω] Sol. coll.12, 8
[αα] Sol. coll.12, 9
[αβ] Sol. coll.12, 10
[αγ] Sol. coll.12, 11
[ψ] Sous le principat d’Auguste, en Campanie, un enfant commença à apprivoiser un dauphin en lui donnant des morceaux de pain ; ensuite, l’animal prit confiance au point de venir manger dans la main de l’enfant ; puis, comme l’enfant avait pris de l’assurance, il sauta sur le dos du dauphin et se fit porter par celui-ci. [ω] Au début, cela parut prodigieux à ceux qui assistaient à la scène, mais ensuite ce spectacle se répéta si longtemps que cela cessa d’être un prodige. Or, bien des années plus tard, l’enfant mourut ; comme le dauphin ne le voyait pas revenir pour ses habituelles chevauchées, qu’il l’attendait à un lieu déterminé et que l’enfant ne venait pas, le dauphin s’éteignit sous les yeux de la foule. Mecenatus, Fabianus14explicationLes noms de Mecenatus et Fabianus n’apparaissent pas dans les autres encyclopédies médiévales, et, dans le Liber de natura rerum, ils ne sont mentionnés qu’une fois (Draelants 2006, 91). et Solin rapportent le fait dans leurs écrits.[αα] Près d’Hippone, une ville d’Afrique située en bord de mer, un dauphin fut nourri par les habitants de la ville ; il s’offrit à leurs caresses et transporta souvent des passagers qu’on installait sur son dos. Comme un proconsul d’Afrique, Flavien, l’avait enduit d’onguents, l’animal, assoupi par le parfum, nouveau pour lui, gisait à la surface des flots houleux comme s’il était mort.[αβ] Histoire de la Perse : Près de la ville d’Iasos, dans le royaume de Babylone15explicationIasos est en fait une ville de Carie., un dauphin s’éprit d’un enfant. Alors que l’enfant revenait au rivage, après leurs jeux habituels, l’animal le suivit avec trop d’exaltation : il fut entraîné sur le sable et s’échoua. [αγ] En outre, près de la même ville, les flots agités avaient tué un autre enfant, appelé Herianus, pendant qu’il chevauchait un dauphin sur la mer dans des circonstances semblables ; le dauphin le ramena au rivage et, comme s’il reconnaissait sa culpabilité, il expia sa faute en se laissant mourir16explicationCette série d’anecdotes sur les rapports entre le dauphin et l’homme provient de Solin, mais Solin lui-même les a empruntées à Pline (nat. 9, 25-28). Vincent de Beauvais consacre un chapitre entier aux liens qui unissent l’homme et le dauphin..
Notes d'identification :
1. Dans le genre Delphinus figure le dauphin commun (Delphinus delphis Linné, 1758). C’est l’identification donnée par D’Arcy Thompson 1947, 52, et André 1986, 188, n. 343. Sur sa présence dans la latinité, cf. De Saint-Denis 1947, 31.
Notes d'explication :
2. Thomas de Cantimpré fait ici un contresens sur sa source : Solin en effet écrit qu’on trouve chez les dauphins « des raisons d’émerveillement de toute sorte » (in quibus causae miraculi multiformes) ; Thomas de Cantimpré en fait des animaux aux « apparences très diverses » (speciei multiformis). Notons que le terme belua n’est pas utilisé par Pline, ni par Solin, pour désigner le dauphin. |
3. Cette description est issue d’Aristote via Pline. Mais le dauphin ne nage pas sur le dos pour attraper ses proies, et le « dauphin » décrit ici ressemble plutôt à un requin, tant par son anatomie (la gueule située sous la tête, sur la surface ventrale) que par son comportement (sa rapidité dans l’attaque et son agressivité). Cependant, le requin ne se met pas sur le dos pour attaquer ; il agresse ses proies par surprise, arrivant derrière elles et le plus souvent par-dessous. |
4. Thomas de Cantimpré commet ici un contresens important sur sa source. Solin en effet écrit : catulos edunt, « Ils mettent au monde des petits ». Thomas de Cantimpré comprend « ils mangent leurs petits » et glose cette information. |
5. Le texte grec, plus précis, indique que les dauphins disparaissent pendant trente jours au moment de la canicule. Dans la traduction de Michel Scot, il ne reste de cette précision que les termes ambulat sub pelago, « la femelle se promène sous l’eau », que Thomas de Cantimpré semble interpréter, dans la foulée de son contresens sur edunt, comme une tentative de se cacher pour échapper aux mâles. |
6. Solin écrit simplement : Invalidos aliquantisper prosecuntur, « tant qu’ils sont faibles, elles les accompagnent assez longtemps ». |
7. Il y a ici une erreur : les femelles atteignent leur maturité sexuelle à douze ans, les mâles vers quinze ans, et ils ne commencent à se reproduire que plus tard. Cette erreur se comprend par une mauvaise lecture de Thomas de Cantimpré : la durée de dix mois pour la gestation indiquée par Michel Scot (impregnatur per decem menses, « la gestation dure dix mois ») est devenue un âge de maturité sexuelle. |
8. On trouve le même contresens sur la baleine dans une grande partie des textes antiques et médiévaux. L’origine en est un passage d’Aristote sur les cétacés (Arist. HA 566 b 17). Les traducteurs ont, semble-t-il, mal interprété le verbe grec εἰσδέχονται au sens de « retirer en eux-mêmes », d’où « cacher dans leur ventre », alors qu’il signifiait simplement « accueillir, accepter à leurs côtés » (Bodson 1983, 398 n. 19, 400-401 n. 30). C’est ainsi que par exemple Louis 1968, 87, traduit le texte d’Aristote : « le dauphin et le marsouin ont du lait et allaitent leurs petits, et ils les retirent en eux-mêmes tant qu’ils sont de taille réduite ». Pour rendre compte de ce passage, Pline écrit : atque etiam gestant fetus infantia infirmos, « et même ils portent leurs petits lorsqu’ils sont encore tout jeunes et faibles » ; Michel Scot traduit le passage d’Aristote par cubant eos. Thomas de Cantimpré se contente ici de suivre Solin, qui imagine que les dauphins prennent les petits déjà nés non pas dans leur ventre, mais dans leur bouche, peut-être à la suite d’un rapprochement avec la baleine, souvent évoquée dans le même contexte, à qui on prêtait cette aptitude du fait de sa grande taille (sur ce point, voir Gauvin 2021). |
9. Cette précision aussi étrange qu’inexacte n’est ni chez Pline, ni chez Aristote. |
10. Le syntagme nominal vena aspera employé par Thomas de Cantimpré vient de la traduction latine de Michel Scot (Arist. HA 535 b 33 - 536 a 4 MS) : Delfinus in omnibus sibilat <et> strepit<us> eius est similis voci, quoniam habet pulmonem et venam asperam, et lingua eius non est absoluta, nec labia eius perveniunt ad distinguendum vocem, « Le dauphin ne sait que siffler et son cri est semblable à une voix parce qu’il a un poumon et une veine rugueuse, que sa langue n’est pas déliée et que ses lèvres ne parviennent pas à former des sons distincts ». Il s’agit en fait de désigner la trachée artère du dauphin que Théodore Gaza appellera plus tard arteriam. En outre, Pline ne s’accorde pas avec Aristote au sujet de la description de la langue du dauphin, comme l’a fait remarquer De Saint-Denis 1955, 105, § 23, n. 1, car, selon Pline (Plin. nat. 9, 23), au même paragraphe, la langue du dauphin est déliée (lingua est his contra naturam aquatilium mobilis, breuis atque lata, haud differens suillae, « leur langue, contrairement à la conformation des bêtes aquatiques, est mobile, courte et large, peu différente de celle du porc » (De Saint-Denis 1955, 45)), contrairement à ce que dit Aristote (cité ci-dessus) : « comme sa langue n’est pas déliée et qu’il n’a pas de lèvres, il ne peut pas émettre de sons articulés » (Louis 1964, 149). Concernant les poumons du dauphin, cf. encore Arist. HA 506 b 4-5 ; Arist. HA 566 b 2-16 et Arist. HA 589 b 5-11. |
11. Dans la traduction latine d’Aristote (Arist. HA 566 b 23-25 MS), on trouve : Et iam viderunt delfin centum triginta annorum et alium centum et viginti annorum ; et sciebatur hoc quoniam amputabant eorum caudas : « et on a déjà vu un dauphin de 130 ans et un autre de 120 ans ; et on le savait en leur coupant la queue ». Pourtant, Aristote enseigne que le dauphin vit jusqu’à 25 ou 30 ans. Pline (Plin. nat. 9, 22) dit aussi qu’ils vivent jusqu’à 30 ans ; et de fait, la durée de vie du dauphin est de 30 à 40 ans. L’idée qu’on peut connaître l’âge d’un dauphin en incisant sa queue remonte à Aristote (Arist. HA 566 b 26). |
12. C’est Solin qui est ici responsable du contresens. Il prend en effet l’information chez Pline, qui écrit : Totusque populus e litore quanto potest clamore conciet Simonem ad spectaculi euentum, celeriter delphini exaudiunt desideria aquilonum flatu uocem prosequente, austro uero tardius exaduerso referente, « Et depuis le rivage tout le peuple appelle Simon [le dauphin] à conclure le spectacle, en criant aussi fort que possible ; si c’est l’aquilon qui souffle, portant les voix, les dauphins exaucent rapidement son souhait ; mais si c’est l’auster, qui ramène les cris vers la côte, ils sont plus longs à le faire ». |
13. La légende d’Arion a été largement exploitée par les littératures grecque et latine, depuis Hérodote. Cf. De Saint-Denis 1955, 106, § 28, n. 2. |
14. Les noms de Mecenatus et Fabianus n’apparaissent pas dans les autres encyclopédies médiévales, et, dans le Liber de natura rerum, ils ne sont mentionnés qu’une fois (Draelants 2006, 91). |
15. Iasos est en fait une ville de Carie. |
16. Cette série d’anecdotes sur les rapports entre le dauphin et l’homme provient de Solin, mais Solin lui-même les a empruntées à Pline (nat. 9, 25-28). Vincent de Beauvais consacre un chapitre entier aux liens qui unissent l’homme et le dauphin.