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Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.XXII. De helco [le phoque1identificationLe latin avait plusieurs mots pour désigner le phoque (Phoca vitulina Linné, 1758) : deux appellations venues du grec, phoca et felchus (ou sa variante helcus), et deux noms latins, bos marinus et vitulus marinus qui tirent sans doute leur origine du mugissement de l’animal (De Saint-Denis 1947, 117). Le mot helcus, quant à lui, pourrait être issu du grec ἑλκῶ, « traîner », mais il est difficile de savoir quelle est la source de Thomas. Pour Cipriani 2017, 27, 46 et 86, il pourrait s’agir d’un passage où Thomas donne des informations personnelles ; mais cela n’explique pas la provenance du nom employé ici, alors qu’il utilise ailleurs d’autres termes plus courants en latin.]
[β] Plin. nat.9, 41
[γ] Plin. nat.9, 42
[α] Le phoque est un animal marin qu’on appelle, comme on sait, veau de mer. Il a une peau couverte de poils et tachée de blanc et de noir. Voici un fait extraordinaire qu’on rapporte sur cet animal2explicationPlusieurs propriétés magiques étaient attribuées à la peau de phoque, et Suétone rapporte par exemple comment l’empereur Auguste en avait toujours une avec lui pour se protéger de la foudre (Suet. Aug. 90). : lorsqu’il est mort et qu’on l’a dépecé, le poil, sur sa peau, par une sorte de phénomène naturel, se comporte, où que l’on se trouve, comme le fait la mer. En effet, si la mer s’agite et forme de hautes vagues, le poil, de la même manière, se dresse et reste droit ; mais si la mer est paisible, le poil reste couché et aplati : ainsi, on peut connaître l’état de la mer dans une chose inanimée et morte3explicationLes informations données ici par Thomas de Cantimpré constituent une déformation du texte de Pline. En effet, selon celui-ci, les variations qui affectent les poils du phoque n’indiquent pas les tempêtes mais les marées (Plin. nat. 9, 41-42 : « À ce qu’on rapporte, leurs peaux, même arrachées du corps, conservent une sensibilité aux mouvements de la mer et se hérissent lorsque la marée reflue »). Albert le Grand reviendra au texte de Pline..[β] Pline :Cet animal met ses petits au monde sur la terre ferme, à la manière du bétail. Il n’a jamais plus de deux petits. Il prend soin de ses petits, les allaite et ne les mène pas à la mer avant qu’ils aient douze jours. C’est un animal difficile à tuer, à moins qu’on ne lui fracasse le crâne. Son cri est un mugissement. [γ] Aucun animal n’a le sommeil plus lourd4explicationLe sommeil du phoque était devenu proverbial à Rome, comme on le voit par exemple dans les Satires de Juvénal. Cf. Juv. 3, 236-238 : Raedarum transitus arto / uicorum inflexu et stantis conuicia mandrae / eripient somnum Druso uitulisque marinis, « le passage des voitures dans les ruelles étroites et sinueuses, les cris du troupeau immobilisé ôteraient le sommeil à Drusus ou à des veaux marins ».. On assure, pour cette raison, que sa nageoire droite, dont il se sert dans la mer, a des vertus soporifiques si on la place sous sa tête lorsqu’on dort.
Notes d'identification :
1. Le latin avait plusieurs mots pour désigner le phoque (Phoca vitulina Linné, 1758) : deux appellations venues du grec, phoca et felchus (ou sa variante helcus), et deux noms latins, bos marinus et vitulus marinus qui tirent sans doute leur origine du mugissement de l’animal (De Saint-Denis 1947, 117). Le mot helcus, quant à lui, pourrait être issu du grec ἑλκῶ, « traîner », mais il est difficile de savoir quelle est la source de Thomas. Pour Cipriani 2017, 27, 46 et 86, il pourrait s’agir d’un passage où Thomas donne des informations personnelles ; mais cela n’explique pas la provenance du nom employé ici, alors qu’il utilise ailleurs d’autres termes plus courants en latin.
Notes d'explication :
2. Plusieurs propriétés magiques étaient attribuées à la peau de phoque, et Suétone rapporte par exemple comment l’empereur Auguste en avait toujours une avec lui pour se protéger de la foudre (Suet. Aug. 90). |
3. Les informations données ici par Thomas de Cantimpré constituent une déformation du texte de Pline. En effet, selon celui-ci, les variations qui affectent les poils du phoque n’indiquent pas les tempêtes mais les marées (Plin. nat. 9, 41-42 : « À ce qu’on rapporte, leurs peaux, même arrachées du corps, conservent une sensibilité aux mouvements de la mer et se hérissent lorsque la marée reflue »). Albert le Grand reviendra au texte de Pline. |
4. Le sommeil du phoque était devenu proverbial à Rome, comme on le voit par exemple dans les Satires de Juvénal. Cf. Juv. 3, 236-238 : Raedarum transitus arto / uicorum inflexu et stantis conuicia mandrae / eripient somnum Druso uitulisque marinis, « le passage des voitures dans les ruelles étroites et sinueuses, les cris du troupeau immobilisé ôteraient le sommeil à Drusus ou à des veaux marins ».