Fichier nativement numérique.
Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.XLIX. De testudine maris Indiae [la tortue de la mer Indienne1identificationLa testudo est la tortue marine (Chelonioidea Bauer, 1893). Voir De Saint-Denis 1947, 112 ; Kitchell & Resnick 1999, 1702-1703 et n. 302. Chelonioidea est le nom d’une super-famille qui comprenait autrefois cinq familles constituées de plusieurs dizaines d’espèces. Il ne subsiste actuellement que deux familles sur cinq et sept espèces qui se répartissent entre ces deux familles.]
[β] Plin. nat.9, 36
[γ] Plin. nat.9, 37
[δ] TC
[α] Dans la mer Indienne habitent des tortues, dont les hommes utilisent la carapace pour faire des abris spacieux et des barques, avec lesquelles ils naviguent entre les îles de la mer Rouge2explicationCes exagérations, rapportées par différents auteurs grecs comme Diodore de Sicile ou Élien, ont sans doute été suscitées par l’étonnement des voyageurs devant la taille des tortues présentes dans la mer Rouge comme la tortue verte, mesurant en moyenne 115 cm mais pouvant atteindre 150 cm et peser 300 kg., à ce que dit Pline. On attrape ces tortues de <différentes> manières surprenantes : <on les prend> surtout quand, ayant rejoint la surface de la mer à midi, elles maintiennent leur dos tout entier hors de l’eau en flottant tranquillement. Ce plaisir de respirer librement les trompe au poins qu’elles s’oublient elles-mêmes et que, laissant leur carapace se dessécher sous l’ardeur du soleil, elles ne peuvent plus s’immerger et flottent malgré elles, s’offrant aux mains des prédateurs3explicationLes tortues marines peuvent faire de longues apnées, de vingt minutes à quelques heures si elles sont endormies, mais elles doivent venir à la surface pour respirer ; c’est pourquoi elles se noient si elles sont prises dans des filets. Très sensibles à la température de leur environnement, elles ont effectivement l’habitude de laisser leur carapace affleurer en surface pour se réchauffer.. [β] On rapporte aussi qu’elles sortent <de l’eau> la nuit pour s’alimenter, se nourrissent avidement, puis sont lasses et que, de retour dans l’eau au matin, elles s’endorment profondément à la surface4explicationLes tortues marines s’alimentent plutôt dans l’eau, de méduses, de coquillages, de crabes ou de petits poissons, voire d’algues pour certaines espèces.. Alors, trois pêcheurs s’approchent d’elles doucement à la nage : deux la tournent sur le dos, le troisième lui passe un lacet quand elle est renversée, puis elle est ainsi traînée jusqu’à terre par un plus grand nombre <d’hommes>5explicationUne méthode de chasse traditionnelle consiste à surprendre les femelles venues pondre sur les plages de nuit et à les retourner.. [γ] Ce monstre n’a pas de dents, mais les bords de son bec sont tranchants, et sa mâchoire supérieure se ferme sur sa mâchoire inférieure comme une boite. Son bec est si dur qu’il broie même les pierres6explicationLe bec des tortues est extrêmement coupant, ce qui leur permet notamment de broyer les coquillages. Chaque espèce a développé une forme de bec qui lui est propre, en fonction de son alimentation.. Ces tortues s’accouplent à la façon du bétail. Mais les femelles ne supportent pas facilement ni doucement l’accouplement7explicationPendant la parade nuptiale des tortues marines, le mâle agrippe la femelle par ses griffes et mord ses nageoires ; plusieurs mâles peuvent harceler la même femelle., jusqu’à ce que le mâle place son membre dans l’orifice génital de la femelle qui lui tourne le dos8traductionDe Saint-Denis 1955, 50, traduit le passage de Pline donec mas festucam aliquam inponat auersae par : « jusqu’à ce que le mâle place sur leur dos un fétu », et indique (ibid. 108, § 37, n. 1) que, si les données sont empruntées à Arist. HA 540 a 27-31, elles sont déformées : « Aristote ne dit pas que la femelle résiste au mâle et le détail donec mas festucam aliquam inponat aversae est bizarre : est-ce une déformation de la phrase où Aristote dit que le mâle et la femelle possèdent un organe où se réunissent, dans l’accouplement, les canaux générateurs ? [voir trad. Louis 1968, 5] ». Notons que ni la traduction de De Saint-Denis, ni le commentaire n’éclairent vraiment le passage.. Sorties à terre, les femelles pondent des œufs pareils à des œufs d’oie, au nombre de cent ; elles les enfouissent hors de l’eau et les couvent avec leur poitrine pendant la nuit9explicationLes informations sont exactes concernant le lieu de la ponte, le moment et le nombre d’œufs ; en revanche, pour la plupart des espèces, les tortues marines regagnent l’eau sitôt les œufs enterrés. L’incubation dure deux mois environ.. Elles veillent sur la croissance de leurs petits pendant un an. Certains disent qu’elles ne couvent leurs œufs que du regard10explicationDans la réalité, il n’existe pas de soin parental chez les tortues. Une seule espèce, la tortue brune de Birmanie (Manouria emys Schlegel et Müller, 1844), veille sur le nid pendant les premières semaines pour en écarter les prédateurs. Au bout d’un mois, néanmoins, elle abandonne le nid et les œufs qu’il contient. Le souci parental des tortues est un fantasme né au Moyen Âge à partir des observations d’Aristote, signe que les encyclopédistes sont aisément amenés à prêter aux animaux des comportements de parentalité active et attentionnée. Sur ce sujet, et sur ce passage de Thomas de Cantimpré en particulier, voir Gauvin 2021. ; [δ] et cela est très étonnant, mais on ne sait rien à ce sujet.
Notes d'identification :
1. La testudo est la tortue marine (Chelonioidea Bauer, 1893). Voir De Saint-Denis 1947, 112 ; Kitchell & Resnick 1999, 1702-1703 et n. 302. Chelonioidea est le nom d’une super-famille qui comprenait autrefois cinq familles constituées de plusieurs dizaines d’espèces. Il ne subsiste actuellement que deux familles sur cinq et sept espèces qui se répartissent entre ces deux familles.
Notes d'explication :
2. Ces exagérations, rapportées par différents auteurs grecs comme Diodore de Sicile ou Élien, ont sans doute été suscitées par l’étonnement des voyageurs devant la taille des tortues présentes dans la mer Rouge comme la tortue verte, mesurant en moyenne 115 cm mais pouvant atteindre 150 cm et peser 300 kg. |
3. Les tortues marines peuvent faire de longues apnées, de vingt minutes à quelques heures si elles sont endormies, mais elles doivent venir à la surface pour respirer ; c’est pourquoi elles se noient si elles sont prises dans des filets. Très sensibles à la température de leur environnement, elles ont effectivement l’habitude de laisser leur carapace affleurer en surface pour se réchauffer. |
4. Les tortues marines s’alimentent plutôt dans l’eau, de méduses, de coquillages, de crabes ou de petits poissons, voire d’algues pour certaines espèces. |
5. Une méthode de chasse traditionnelle consiste à surprendre les femelles venues pondre sur les plages de nuit et à les retourner. |
6. Le bec des tortues est extrêmement coupant, ce qui leur permet notamment de broyer les coquillages. Chaque espèce a développé une forme de bec qui lui est propre, en fonction de son alimentation. |
7. Pendant la parade nuptiale des tortues marines, le mâle agrippe la femelle par ses griffes et mord ses nageoires ; plusieurs mâles peuvent harceler la même femelle. |
9. Les informations sont exactes concernant le lieu de la ponte, le moment et le nombre d’œufs ; en revanche, pour la plupart des espèces, les tortues marines regagnent l’eau sitôt les œufs enterrés. L’incubation dure deux mois environ. |
10. Dans la réalité, il n’existe pas de soin parental chez les tortues. Une seule espèce, la tortue brune de Birmanie (Manouria emys Schlegel et Müller, 1844), veille sur le nid pendant les premières semaines pour en écarter les prédateurs. Au bout d’un mois, néanmoins, elle abandonne le nid et les œufs qu’il contient. Le souci parental des tortues est un fantasme né au Moyen Âge à partir des observations d’Aristote, signe que les encyclopédistes sont aisément amenés à prêter aux animaux des comportements de parentalité active et attentionnée. Sur ce sujet, et sur ce passage de Thomas de Cantimpré en particulier, voir Gauvin 2021.
Notes de traduction :
8. De Saint-Denis 1955, 50, traduit le passage de Pline donec mas festucam aliquam inponat auersae par : « jusqu’à ce que le mâle place sur leur dos un fétu », et indique (ibid. 108, § 37, n. 1) que, si les données sont empruntées à Arist. HA 540 a 27-31, elles sont déformées : « Aristote ne dit pas que la femelle résiste au mâle et le détail donec mas festucam aliquam inponat aversae est bizarre : est-ce une déformation de la phrase où Aristote dit que le mâle et la femelle possèdent un organe où se réunissent, dans l’accouplement, les canaux générateurs ? [voir trad. Louis 1968, 5] ». Notons que ni la traduction de De Saint-Denis, ni le commentaire n’éclairent vraiment le passage.