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Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.X. De cricos [le bernard-l’ermite1identificationLe cricos est le bernard-l’ermite (Pagurus bernhardus Linné, 1758) dont une pince est plus forte que l’autre. Pline en dit quelques mots dans le livre 9 (Plin. nat. 9, 98 ; Plin. nat. 9, 142) ; mais les informations de ce chapitre viennent d’Aristote (Arist. HA 530 a 8 MS). Le nom cricos a sans doute été forgé à partir du nom grec du buccin, κήρυξ, υκος, par l’intermédiaire du kiroket de Michel Scot.]
[β] TC?
[γ] Arist. HA, 530 a 7-21 MS
[δ] TC
[α] Le cricos est un animal marin, à ce que dit Aristote. Il a deux fentes à l’extrémité des pieds2traductionDans tout ce passage, Thomas de Cantimpré suit ici assez maladroitement la traduction d’Aristote par Michel Scot, qui faussait déjà considérablement le texte grec (Arist. HA 530 a 7-21 MS) : « Et un autre animal appartenant à cette espèce, appelé brita, a les deux pieds fissurés à leur extrémité. Le pied droit est petit, le pied gauche est grand, et pour cette raison, quand il marche, il fait porter tout le poids de son corps sur le pied gauche. Et la coquille de cet animal est lisse, noire et ronde, et il ressemble, par son aspect, à l’animal qu’on appelle kiroket. L’organe qu’on appelle mathoz [hépatopancréas] n’est pas noir chez lui, mais rouge. Il reste fixé à sa coquille en s’y accrochant fermement. Quand l’air est serein, cet animal quitte son rocher et se promène ; et quand les vents se lèvent, il se colle aux pierres, reste immobile et ne bouge pas ». Thomas de Cantimpré n’a pas vu qu’Aristote mentionnait dans ce passage deux sortes d’animaux, le bernard-l’ermite et les mollusques, et il les confond ; il ajoute des précisions anatomiques de son cru sur la présence de doigts et d’ongles qui obscurcissent encore le texte ; il transforme la coquille dans laquelle logent les mollusques en objet indéterminé auquel le bernard-l’ermite s’agrippe ; enfin, il déforme l’information sur l’hépatopancréas des mollusques, noir ou rouge selon les espèces, qui devient une coquille noire et rouge pour le bernard-l’ermite, omettant au passage la comparaison avec le kiroket, gêné sans doute par les termes issus du grec et transcrits avec plus ou moins de bonheur par Michel Scot., [β] qui lui font trois doigts avec trois ongles.3explicationCette précision apportée par Thomas de Cantimpré est aberrante.[γ] Son pied droit est petit, mais son pied gauche est gros, et pour cette raison, quand il se promène, il fait porter tout le poids du corps sur son pied gauche. Sa peau est une carapace, lisse, noire et rouge à certains endroits4explicationAristote parle des couleurs variables de l’hépatopancréas chez différentes espèces de mollusques. Thomas de Cantimpré, ne comprenant sans doute pas le terme grec mathoz conservé par Michel Scot, attribue ces couleurs à la coquille du bernard-l’ermite.. Quel que soit le support auquel il s’attache, il s’y attache très fortement5explicationThomas de Cantimpré déforme ici le passage du texte de Michel Scot, dans lequel Aristote décrit l’attachement des mollusques à leur coquille.. Si le ciel est clair, cet animal se promènera librement ; et quand les vents se lèveront, il s’accrochera aux pierres, s’immobilisera et ne bougera plus. Et il est vraiment très étonnant que cet animal soit libre de ses mouvements par temps clair, mais devienne infirme et faible par gros temps. [δ] Le cricos, monstre de la mer, est l’image des jeunes gens dissipés du siècle : ils ont un pied droit petit ou n’en ont pas du tout – et ce pied est l’amour qu’ils doivent porter à Dieu ou à leurs parents – quand, aspirant à des amours clandestines, ils séduisent les jeunes filles et que, s’attachant fortement à elles, quelles qu’elles soient, ils préfèrent offenser Dieu, leurs parents et leurs proches plutôt que renoncer à persévérer dans leur erreur. Leur peau, c’est-à-dire ce qui recouvre leur fourberie, et qu’ils appellent amour, est comme la carapace <de l’animal>, c’est-à-dire une chose légère, friable et fragile, et elle est noire, c’est-à-dire honteuse, tout en portant la rougeur du péché. Il a deux fentes sur les pieds, qui font trois doigts séparés : ce sont les deux mauvaises intentions dans l’amour qui sont de tromper et de déshonorer, par lesquelles les jeunes filles abusées sont triplement spoliées, perdant leur pureté, l’honneur de leur âme et tous les biens que les séducteurs peuvent leur dérober.
Notes d'identification :
1. Le cricos est le bernard-l’ermite (Pagurus bernhardus Linné, 1758) dont une pince est plus forte que l’autre. Pline en dit quelques mots dans le livre 9 (Plin. nat. 9, 98 ; Plin. nat. 9, 142) ; mais les informations de ce chapitre viennent d’Aristote (Arist. HA 530 a 8 MS). Le nom cricos a sans doute été forgé à partir du nom grec du buccin, κήρυξ, υκος, par l’intermédiaire du kiroket de Michel Scot.
Notes d'explication :
3. Cette précision apportée par Thomas de Cantimpré est aberrante. |
4. Aristote parle des couleurs variables de l’hépatopancréas chez différentes espèces de mollusques. Thomas de Cantimpré, ne comprenant sans doute pas le terme grec mathoz conservé par Michel Scot, attribue ces couleurs à la coquille du bernard-l’ermite. |
5. Thomas de Cantimpré déforme ici le passage du texte de Michel Scot, dans lequel Aristote décrit l’attachement des mollusques à leur coquille.
Notes de traduction :
2. Dans tout ce passage, Thomas de Cantimpré suit ici assez maladroitement la traduction d’Aristote par Michel Scot, qui faussait déjà considérablement le texte grec (Arist. HA 530 a 7-21 MS) : « Et un autre animal appartenant à cette espèce, appelé brita, a les deux pieds fissurés à leur extrémité. Le pied droit est petit, le pied gauche est grand, et pour cette raison, quand il marche, il fait porter tout le poids de son corps sur le pied gauche. Et la coquille de cet animal est lisse, noire et ronde, et il ressemble, par son aspect, à l’animal qu’on appelle kiroket. L’organe qu’on appelle mathoz [hépatopancréas] n’est pas noir chez lui, mais rouge. Il reste fixé à sa coquille en s’y accrochant fermement. Quand l’air est serein, cet animal quitte son rocher et se promène ; et quand les vents se lèvent, il se colle aux pierres, reste immobile et ne bouge pas ». Thomas de Cantimpré n’a pas vu qu’Aristote mentionnait dans ce passage deux sortes d’animaux, le bernard-l’ermite et les mollusques, et il les confond ; il ajoute des précisions anatomiques de son cru sur la présence de doigts et d’ongles qui obscurcissent encore le texte ; il transforme la coquille dans laquelle logent les mollusques en objet indéterminé auquel le bernard-l’ermite s’agrippe ; enfin, il déforme l’information sur l’hépatopancréas des mollusques, noir ou rouge selon les espèces, qui devient une coquille noire et rouge pour le bernard-l’ermite, omettant au passage la comparaison avec le kiroket, gêné sans doute par les termes issus du grec et transcrits avec plus ou moins de bonheur par Michel Scot.