CopierCopier dans le presse-papierPour indiquer l’adresse de consultation« Thomas de Cantimpré - Livre de la Nature — Livre VII. Les poissons de mer ou de rivière.  », in Bibliothèque Ichtya, état du texte au 07/12/2024. [En ligne : ]
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Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.

XIX. De cancro [les crustacés1identificationLe terme latin cancer désigne de façon générique les crustacés marins aussi bien que ceux d’eau douce (le cancer fluviatilis correspondant le plus souvent à l’écrevisse, Astacus astacus Linné, 1758). Il recouvre des espèces aujourd’hui rangées dans l’ordre des décapodes, qu’il s’agisse de natantia, « ceux qui nagent » (les crevettes), ou, parmi les reptantia, « ceux qui marchent ou rampent », des macroures (les homards, les langoustines, les langoustes, les cigales de mer et, en eau douce, les écrevisses), des anomoures (en particulier, le pagure ou bernard-l’ermite) et des brachyoures (les crabes proprement dits, avec leurs plus grands représentants : le tourteau commun et l’araignée de mer). Au début du livre IV de l’Histoire des animaux (Arist. HA 525 a 30 - 527 b 35), Aristote consacre un long développement aux crustacés, qu’il classe parmi les animaux non sanguins et qu’il définit comme ayant la partie molle et charnue à l’intérieur et la partie dure à l’extérieur, partie dure qui offre la particularité d’être non friable, ce qui les distingue des testacés (les mollusques : les huîtres et les escargots). Parmi les crustacés (μαλακοστράκοι), il distingue (Arist. HA 525 a 30-35) la langouste (κάραϐος), dont les représentants les plus communs sont Palinurus elephas Fabricius, 1787, et Palinurus mauretanicus Gruvel, 1911 ; le homard (ἀστακός), Homarus gammarus Linné, 1758 ; les différentes crevettes (καρίς) ; et le crabe (καρκίνος). Parmi les crabes, il différencie les araignées de mer (μαῖα) ; le crabe-pagure (πάγουρος), c’est-à-dire le tourteau commun, Cancer pagurus Linné, 1758 ; le crabe d’Héracleia (Ἡρακλεωτικός καρκίνος) ; le crabe de rivière (ποτάμιος καρκίνος). Il mentionne encore un petit crabe très rapide, le crabe-cheval ou le crabe-cavalier (ἴππος, ou ἰππεύς), sans doute Cancer cursor Linné, 1758 ; et un petit crustacé, sans nom spécifique, de la taille du crabe, mais de la forme du homard, vraisemblablement la langoustine, sous son représentant commun en Europe Nephrops norvegicus Linné, 1758. Arist. HA 529 b 20 - 530 a 12 décrit deux sortes de pagures ou bernard-l’ermite, qu’il juge appartenir à la fois aux crustacés et aux testacés : le « petit crabe » (καρκίνιον), le bernard-l’ermite commun, Pagurus bernhardus Linné, 1758, et le « bancal » (κύλλαρος). La tradition latine, à la suite de Pline (Plin. nat. 9, 95-99), n’a pas disposé dans sa terminologie d’une classification aussi précise. Si Plin. nat. 9, 95, décrit bien la langouste qu’il désigne sous son nom latin, locusta, en revanche, il désigne sous le nom générique cancer des espèces dont il a emprunté les dénominations calquées du grec (carabi, astaci, maeae, paguri, Heracleotici, hippoe) à la liste dressée par Aristote (Arist. HA 525 a 30-35) et dont il a confondu les descriptions dans un résumé maladroit (Plin. nat. 9, 96-97). Il est donc très difficile d’interpréter les différents sens que peut prendre le terme cancer alors que les notices sont loin de fournir des critères décisifs. On conservera donc, dans la traduction, le terme cancer. Voir, pour la terminologie grecque, D’Arcy Thompson 1947, s. v. ἀστακός, Ἡρακλεωτικός, ἴππος, κάραβος, καρίς, καρκίνιον, καρκίνος, μαῖα, πάγουρος ; pour la terminologie latine, De Saint-Denis 1947, s. v. astacus, carabus, caris, cammarus, cancer, heracleoticus, hippoe, locusta, maea, pagurus, pinoteres.]

Lieux parallèles : AM, [Cancer] (24, 31 (2?)) ; HS, Cancer (4, 16).
2. [α] LR
[β] Aldh. Enigm.37
[α] Certains comptent les cancri parmi les poissons, à ce qu’en dit le Livre de la nature. Ils ont des pieds et bras au nombre de huit, et des pinces qui leur tiennent lieu de mains, dont ils se servent la plupart du temps pour se déplacer2explicationLa plupart des crustacés marins comestibles sont en effet décapodes. Cette description du cancer peut convenir à la morphologie et au mode de locomotion de la plupart des crustacés décapodes. Ils ont le corps formé de trois parties : la tête et le thorax, souvent soudés, et l’abdomen. Ils possèdent sur la tête des antennules, des antennes et des mandibules ; à la jonction de la tête et du thorax trois paires de maxillipèdes qui servent à la mastication ; sur le thorax cinq paires de péréiopodes, pour la locomotion, la première paire étant souvent préhensile, en forme de pince : les chélipèdes ; sur l’abdomen cinq paires de pléopodes, les appendices destinés à la nage et à porter les œufs, dont les premières paires servent d’organes copulatoires ; et le telson, qui termine la queue.. [β] Leur marche est rétrograde et, à ce qu’en dit Aldhelm3explicationLe mystérieux Adelinus est un « savant qui a peu, mais bien écrit » dont les citations fournies par Thomas de Cantimpré semblent pouvoir être rapprochées des Enigmata d’Adhelm de Malmesbury ou du Liber Monstrorum compilé dans son entourage vers 650-750 (voir Draelants 2000, 209)., ils ne savent pas avancer droit devant eux4explicationL’information délivrée par Thomas de Cantimpré sur la marche rétrograde des cancri ne traduit qu’imparfaitement la réalité du mode de locomotion des crustacés. Les espèces marcheuses ont adapté leur mode de locomotion pour mieux vaincre la résistance de l’eau en se déplaçant en file indienne, ou de côté et en diagonale. Les pléopodes et le telson permettent aux espèces nageuses de se déplacer en avant comme en arrière. Des espèces marcheuses, comme les homards et les langoustes, peuvent aussi nager rapidement en arrière grâce à la détente énergique de leur abdomen. Pline a observé cette faculté chez les langoustes (locustae) et en fait une description très précise (Plin. nat. 9, 95), mais, quelques lignes plus loin (Plin. nat. 9, 99), il indique que ce sont les crabes (cancri) qui, lorsqu’ils sont effrayés, s’enfuient en reculant, sans avoir conscience de déformer un renseignement donné par Aristote (Arist. HA 590 b 27-28), justement sur les langoustes (καράϐοι)..
3. [γ] ?
[γ] On peut aussi admettre que le cancer ait un tel comportement dans la crainte et dans la fuite. En effet, quand il a peur ou qu’il s’enfuit, il replie sa queue et s’efforce de se cacher à reculons dans la vase, ou dans une anfractuosité, et un lieu exigu lui suffit alors pour se retrancher. Mais selon ses dispositions naturelles, quand il n’éprouve aucune inquiétude, il se déplace de face et marche les pattes tendues en avant5explicationL’indication d’une queue peut faire penser qu’il s’agit de homards ou de langoustes. Celles-ci se déplacent en files, marchant au fond de l’eau, en période de reproduction, ou par bonds en arrière lorsqu’elles veulent fuir. Sur cette remarque qui pourrait venir de Thomas de Cantimpré lui-même, voir Cipriani 2017, 94..
4. [δ] ?
[ζ] Ambr. hex.5, 8, 22
[δ] Lorsqu’ils sont devenus vieux, on trouve dans leur tête deux pierres de couleur blanche pailletée de rouge6explicationOn peut trouver des otolithes dans la tête de certains crustacés, notamment les écrevisses.. Certains prétendent que ces pierres sont dotées d’une si grande vertu que, données en boisson, elles guérissent les élancements du cœur.[ε] Et c’est assez vraisemblable de toute manière, car, à ce qu’en dit Galien dans son Anatomie, le cœur tire un soutien indéniable de matières minérales dures comme le sont les perles, les saphirs, les hyacinthes et d’autres pierres similaires. Le cancer change de couleur après cuisson ; en effet, il devient rouge, alors que, de son vivant, sa carapace est verte ou noire.[ζ] Ce que rapporte Ambroise au sujet des cancri est étonnant ; à ce qu’il prétend, en effet, le cancer, par une dispostion naturelle, apprécie la chair de l’huître, mais, autant il convoite sa nourriture, autant il évite aussi de se mettre en danger au moment de la prise. Car il est périlleux pour lui d’attraper une huître : l’huître possède deux valves, dures et robustes, entre lesquelles elle s’enferme ; et si le cancer pénètre sans précautions à l’intérieur des valves, il pourrait être de toute façon broyé par leur fermeture et se faire tuer. Pour se prémunir, il ourdit un piège d’une astuce remarquable. Ainsi, puisque toutes les espèces animales se détendent sous l’effet du plaisir, le cancer guette le moment où l’huître, dans un lieu à l’abri du vent, ouvre ses deux valves aux rayons du soleil et desserre les verrous de ses coquilles pour jouir de l’air libre à son tour. Il glisse alors furtivement un petit caillou pour empêcher la fermeture de l’huître, et ainsi, trouvant les verrous ouverts, il s’introduit en toute sûreté à l’intérieur des verrous et se régale de sa chair7explicationCet exemple de l’ingéniosité dont font preuve les crabes pour déjouer les défenses de l’huître est un topos récurrent de la littérature moralisante des bestiaires et des recueils d’emblèmes..
5. [η] Arist. HA, 525 b 5 MS
[θ] TC?
[ι] JV Or.90
[κ] Plin. nat.9, 95
[λ] Plin. nat.9, 96
[μ] Plin. nat.9, 97
[ν] Plin. nat.9, 98
[ο] Plin. nat.9, 99
[π] Arist. HA, 541 b 26 MS
[η] Il existe beaucoup d’espèces de cancri, à ce qu’en dit Aristote. L’une d’entre elles, qui vit en Judée, est appelée le « crabe-soldat », parce que c’est un animal très vif ; quand on l’ouvre, on n’y trouve ni chair ni excrément, et c’est parce qu’il ne prend aucune nourriture8explicationLouis 1964, 118 traduit le terme grec ἵππος par « trotteur » et ne donne pas d’informations précises à son sujet sinon qu’il s’agit d’un petit crabe vert, peut-être de ceux qu’on appelle « crabes enragés » à cause de leur rapidité. Mais ce petit crabe non comestible et véloce est identifié par D’Arcy Thompson 1947, 92-93, et par De Saint-Denis 1947, 48, comme étant le Cancer cursor Linné, 1758, qui vit sur les côtes de Syrie et d’Égypte. :[θ] s’il se nourrissait, il produirait des excréments.[ι] Dans la mer occidentale, à ce qu’en dit Solin, il y a des crabes capables de noyer les hommes qu’ils ont attrapés et ils ont le dos aussi dur que celui des crocodiles.[κ] Les crabes se cachent en hiver, pendant cinq mois. Au printemps, comme les serpents, ils se débarassent de leur vieille carapace9explicationThomas de Cantimpré peut avoir tiré cette information sur la période d’hibernation et la mue des crustacés, de l’Histoire des animaux d’Aristote (Arist. HA 601 a 10-18) comme de l’Histoire naturelle de Pline (Plin. nat. 9, 95). Mais, chez l’un et l’autre, elle se rapportait plus précisément aux langoustes (καράβοι/locustae). Aristote indique que les langoustes (καράϐοι) hibernent pendant cinq mois et que les crabes (καρκίνοι) perdent aussi leur dépouille..[λ] En hiver, les crabes recherchent les rivages ensoleillés mais, en été, ils se regroupent et se réfugient dans l’obscurité10philologieThomas semble avoir disposé d’un texte de Pline qui comportait une leçon fautive gregatim, « en troupeau », pour gurgitum, « [l’obscurité] des grandes prodondeurs ».. Ils souffrent de l’hiver, mais engraissent à l’automne et au printemps, et surtout aux périodes de pleine lune11explicationCette croyance est reprise dans les mêmes termes dans le chapitre 45, Locusta..[μ] Les crabes vivent longtemps. La première patte est fourchue chez la femelle, mais simple chez le mâle.[ν] Chez presque tous, le bras droit est plus long.[ξ] Les mâles ont, entre le ventre et la queue, deux aiguillons qui manquent chez les femelles, qui portent leurs œufs sur le ventre12explicationLes crustacés sont différenciés sexuellement. Les premières paires de pléopodes (les appendices de l’abdomen qui servent à porter les œufs) servent d’organes copulatoires. Ils sont calcifiés et pointus chez le mâle et souples et aplatis chez la femelle.[ο] On s’en sert comme remède contre les morsures de serpents13explicationLes vertus thérapeutiques des crabes contre les morsures de serpent sont signalées depuis l’Antiquité : par exemple, par Plin. nat. 32, 55, qui mentionne, dans ce cas, la supériorité des remèdes tirés du cancer de rivière sur ceux tirés du cancer de mer.. Quand le soleil traverse le signe du Cancer, ils se battent entre eux avec leurs petites cornes14explicationLes antennes ne servent pas au combat mais à l’orientation..[π] Quand un mâle veut s’accoupler avec sa femelle, il lui grimpe sur le dos ; et elle, quand elle sent sur son dos le mouvement du mâle qui veut s’accoupler, elle s’incline et se tourne sur le côté, face à lui, et c’est ainsi que s’effectue l’accouplement15explicationCes renseignements remontent à Aristote, qui traite avec précision de l’accouplement et de la reproduction des crustacés. Aristote (Arist. HA 526 b 26-33 ; HA 541 b 19-33) distingue le comportement des homards, des langoustes et des crevettes de celui des crabes. La notice de Thomas de Cantimpré correspond à la description de l’accouplement des crabes (Arist. HA 541 b 25-29). L’accouplement des crustacés se produit généralement au moment de la mue, quand la carapace molle de la femelle facilite l’insémination, mais les homards et les langoustes peuvent s’accoupler avec des femelles dures..[ρ] Un crabe à qui on donne à boire du lait peut vivre beaucoup de jours hors de l’eau.

Notes philologiques :

10. Thomas semble avoir disposé d’un texte de Pline qui comportait une leçon fautive gregatim, « en troupeau », pour gurgitum, « [l’obscurité] des grandes prodondeurs ».

Notes d'identification :

1. Le terme latin cancer désigne de façon générique les crustacés marins aussi bien que ceux d’eau douce (le cancer fluviatilis correspondant le plus souvent à l’écrevisse, Astacus astacus Linné, 1758). Il recouvre des espèces aujourd’hui rangées dans l’ordre des décapodes, qu’il s’agisse de natantia, « ceux qui nagent » (les crevettes), ou, parmi les reptantia, « ceux qui marchent ou rampent », des macroures (les homards, les langoustines, les langoustes, les cigales de mer et, en eau douce, les écrevisses), des anomoures (en particulier, le pagure ou bernard-l’ermite) et des brachyoures (les crabes proprement dits, avec leurs plus grands représentants : le tourteau commun et l’araignée de mer). Au début du livre IV de l’Histoire des animaux (Arist. HA 525 a 30 - 527 b 35), Aristote consacre un long développement aux crustacés, qu’il classe parmi les animaux non sanguins et qu’il définit comme ayant la partie molle et charnue à l’intérieur et la partie dure à l’extérieur, partie dure qui offre la particularité d’être non friable, ce qui les distingue des testacés (les mollusques : les huîtres et les escargots). Parmi les crustacés (μαλακοστράκοι), il distingue (Arist. HA 525 a 30-35) la langouste (κάραϐος), dont les représentants les plus communs sont Palinurus elephas Fabricius, 1787, et Palinurus mauretanicus Gruvel, 1911 ; le homard (ἀστακός), Homarus gammarus Linné, 1758 ; les différentes crevettes (καρίς) ; et le crabe (καρκίνος). Parmi les crabes, il différencie les araignées de mer (μαῖα) ; le crabe-pagure (πάγουρος), c’est-à-dire le tourteau commun, Cancer pagurus Linné, 1758 ; le crabe d’Héracleia (Ἡρακλεωτικός καρκίνος) ; le crabe de rivière (ποτάμιος καρκίνος). Il mentionne encore un petit crabe très rapide, le crabe-cheval ou le crabe-cavalier (ἴππος, ou ἰππεύς), sans doute Cancer cursor Linné, 1758 ; et un petit crustacé, sans nom spécifique, de la taille du crabe, mais de la forme du homard, vraisemblablement la langoustine, sous son représentant commun en Europe Nephrops norvegicus Linné, 1758. Arist. HA 529 b 20 - 530 a 12 décrit deux sortes de pagures ou bernard-l’ermite, qu’il juge appartenir à la fois aux crustacés et aux testacés : le « petit crabe » (καρκίνιον), le bernard-l’ermite commun, Pagurus bernhardus Linné, 1758, et le « bancal » (κύλλαρος). La tradition latine, à la suite de Pline (Plin. nat. 9, 95-99), n’a pas disposé dans sa terminologie d’une classification aussi précise. Si Plin. nat. 9, 95, décrit bien la langouste qu’il désigne sous son nom latin, locusta, en revanche, il désigne sous le nom générique cancer des espèces dont il a emprunté les dénominations calquées du grec (carabi, astaci, maeae, paguri, Heracleotici, hippoe) à la liste dressée par Aristote (Arist. HA 525 a 30-35) et dont il a confondu les descriptions dans un résumé maladroit (Plin. nat. 9, 96-97). Il est donc très difficile d’interpréter les différents sens que peut prendre le terme cancer alors que les notices sont loin de fournir des critères décisifs. On conservera donc, dans la traduction, le terme cancer. Voir, pour la terminologie grecque, D’Arcy Thompson 1947, s. v. ἀστακός, Ἡρακλεωτικός, ἴππος, κάραβος, καρίς, καρκίνιον, καρκίνος, μαῖα, πάγουρος ; pour la terminologie latine, De Saint-Denis 1947, s. v. astacus, carabus, caris, cammarus, cancer, heracleoticus, hippoe, locusta, maea, pagurus, pinoteres.

Notes d'explication :

2. La plupart des crustacés marins comestibles sont en effet décapodes. Cette description du cancer peut convenir à la morphologie et au mode de locomotion de la plupart des crustacés décapodes. Ils ont le corps formé de trois parties : la tête et le thorax, souvent soudés, et l’abdomen. Ils possèdent sur la tête des antennules, des antennes et des mandibules ; à la jonction de la tête et du thorax trois paires de maxillipèdes qui servent à la mastication ; sur le thorax cinq paires de péréiopodes, pour la locomotion, la première paire étant souvent préhensile, en forme de pince : les chélipèdes ; sur l’abdomen cinq paires de pléopodes, les appendices destinés à la nage et à porter les œufs, dont les premières paires servent d’organes copulatoires ; et le telson, qui termine la queue. | 

3. Le mystérieux Adelinus est un « savant qui a peu, mais bien écrit » dont les citations fournies par Thomas de Cantimpré semblent pouvoir être rapprochées des Enigmata d’Adhelm de Malmesbury ou du Liber Monstrorum compilé dans son entourage vers 650-750 (voir Draelants 2000, 209). | 

4. L’information délivrée par Thomas de Cantimpré sur la marche rétrograde des cancri ne traduit qu’imparfaitement la réalité du mode de locomotion des crustacés. Les espèces marcheuses ont adapté leur mode de locomotion pour mieux vaincre la résistance de l’eau en se déplaçant en file indienne, ou de côté et en diagonale. Les pléopodes et le telson permettent aux espèces nageuses de se déplacer en avant comme en arrière. Des espèces marcheuses, comme les homards et les langoustes, peuvent aussi nager rapidement en arrière grâce à la détente énergique de leur abdomen. Pline a observé cette faculté chez les langoustes (locustae) et en fait une description très précise (Plin. nat. 9, 95), mais, quelques lignes plus loin (Plin. nat. 9, 99), il indique que ce sont les crabes (cancri) qui, lorsqu’ils sont effrayés, s’enfuient en reculant, sans avoir conscience de déformer un renseignement donné par Aristote (Arist. HA 590 b 27-28), justement sur les langoustes (καράϐοι). | 

5. L’indication d’une queue peut faire penser qu’il s’agit de homards ou de langoustes. Celles-ci se déplacent en files, marchant au fond de l’eau, en période de reproduction, ou par bonds en arrière lorsqu’elles veulent fuir. Sur cette remarque qui pourrait venir de Thomas de Cantimpré lui-même, voir Cipriani 2017, 94. | 

6. On peut trouver des otolithes dans la tête de certains crustacés, notamment les écrevisses. | 

7. Cet exemple de l’ingéniosité dont font preuve les crabes pour déjouer les défenses de l’huître est un topos récurrent de la littérature moralisante des bestiaires et des recueils d’emblèmes. | 

8. Louis 1964, 118 traduit le terme grec ἵππος par « trotteur » et ne donne pas d’informations précises à son sujet sinon qu’il s’agit d’un petit crabe vert, peut-être de ceux qu’on appelle « crabes enragés » à cause de leur rapidité. Mais ce petit crabe non comestible et véloce est identifié par D’Arcy Thompson 1947, 92-93, et par De Saint-Denis 1947, 48, comme étant le Cancer cursor Linné, 1758, qui vit sur les côtes de Syrie et d’Égypte. | 

9. Thomas de Cantimpré peut avoir tiré cette information sur la période d’hibernation et la mue des crustacés, de l’Histoire des animaux d’Aristote (Arist. HA 601 a 10-18) comme de l’Histoire naturelle de Pline (Plin. nat. 9, 95). Mais, chez l’un et l’autre, elle se rapportait plus précisément aux langoustes (καράβοι/locustae). Aristote indique que les langoustes (καράϐοι) hibernent pendant cinq mois et que les crabes (καρκίνοι) perdent aussi leur dépouille. | 

11. Cette croyance est reprise dans les mêmes termes dans le chapitre 45, Locusta. | 

12. Les crustacés sont différenciés sexuellement. Les premières paires de pléopodes (les appendices de l’abdomen qui servent à porter les œufs) servent d’organes copulatoires. Ils sont calcifiés et pointus chez le mâle et souples et aplatis chez la femelle. | 

13. Les vertus thérapeutiques des crabes contre les morsures de serpent sont signalées depuis l’Antiquité : par exemple, par Plin. nat. 32, 55, qui mentionne, dans ce cas, la supériorité des remèdes tirés du cancer de rivière sur ceux tirés du cancer de mer. | 

14. Les antennes ne servent pas au combat mais à l’orientation. | 

15. Ces renseignements remontent à Aristote, qui traite avec précision de l’accouplement et de la reproduction des crustacés. Aristote (Arist. HA 526 b 26-33 ; HA 541 b 19-33) distingue le comportement des homards, des langoustes et des crevettes de celui des crabes. La notice de Thomas de Cantimpré correspond à la description de l’accouplement des crabes (Arist. HA 541 b 25-29). L’accouplement des crustacés se produit généralement au moment de la mue, quand la carapace molle de la femelle facilite l’insémination, mais les homards et les langoustes peuvent s’accoupler avec des femelles dures.