CopierCopier dans le presse-papierPour indiquer l’adresse de consultation« Thomas de Cantimpré - Livre de la Nature — Livre VII. Les poissons de mer ou de rivière.  », in Bibliothèque Ichtya, état du texte au 21/11/2024. [En ligne : ]
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Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.

XXXII. De ezoceto [l’esturgeon ?1identificationLa description de Thomas peut faire penser à l’une des espèces d’esturgeon présentes dans le Danube, mais le fait qu’il mentionne clairement l’esturgeon (sturio) comme un poisson différent vient jeter le trouble. Peut-être l’existence de plusieurs espèces dans ce fleuve pourrait-elle justifier la distinction entre ezox et sturio. On trouve en effet dans le Danube l’esturgeon commun (Acipenser sturio Linné, 1758), le sterlet (Acipenser ruthenus Linné, 1758), le grand esturgeon (Acipenser huso Linné, 1758) et le beluga (Huso huso Linné, 1758, à ne pas confondre avec le cétacé du même nom). L’ezox serait l’un de ces poissons, le sturio un autre. On peut rappeler ce commentaire prudent de De Saint-Denis 1947, XXVII, à propos de ce poisson : « Esox, qui désignait un poisson du Rhin (on ne peut préciser davantage : saumon ? esturgeon ? brochet ?), a été accaparé par les naturalistes pour dénommer le genre brochet ». Les chapitres 10 (Accipender) et 70 (Sturio) concernent aussi l’esturgeon.]

Lieux parallèles : AM, [Huso] (24, 49a (32)), [Ezox] (24, 49 (32)) ; VB, De exoceto (17, 53) ; HS, Eriox vel erox (4, 35) ; HS, Ezox (4, 37).
2. [α] TC?
[α] L’ezox est un très grand poisson du Danube que les Suèves nomment husen2explicationAlbert le Grand, dans le De animalibus, consacre un chapitre à l’ezox (ch. 49) et un à l’huso (ch. 49a) ; son ezox, différent de celui décrit par Thomas de Cantimpré, est presque certainement le saumon, et la description de l’huso évoque le beluga avec assez de précision.. Ce poisson est lisse sur tout le corps3explicationL’esturgeon en effet n’est pas couvert d’écailles, mais d’une peau qui constitue l’un des plus beaux cuirs de poisson. Elle est utilisée en petite maroquinerie. et il n’a aucune aspérité ni au physique ni au moral, car c’est un animal très doux et craintif, lui qui est incapable de se défendre même d’un tout petit poisson. C’est ainsi qu’il se laisse malmener par la petite épinoche et qu’elle le fait fuir. L’esturgeon cherche volontiers à se frotter contre lui pour jouer, mais dès que l’ezox l’aperçoit, il s’enfuit vers les cachettes qu’il a l’habitude de creuser dans les rives pour se protéger ; mais c’est parfois en vain, car l’esturgeon, insistant, le débusque de son refuge. L’esturgeon poursuit donc l’ezox dans sa fuite et comme tous deux sont de grands poissons qui ne peuvent pas passer inaperçus, même dans les eaux les plus agitées, car ils bougent en tous sens et provoquent des remous devant eux, ils se font souvent prendre ensemble par les pêcheurs. Une fois qu’on l’a pris, on lui donne à boire du vin ou du lait, parce qu’il peut survivre plusieurs jours s’il a été auparavant enivré d’une grande quantité de vin : on peut ainsi le transporter jusqu’à des lieux éloignés pour le manger, mais il n’est pas ivre avant d’avoir bu quatre setiers de vin. Il est si grand que trois ou quatre chevaux attelés à un chariot peuvent à peine le tirer4explicationCette information remonte à l’Antiquité ; ainsi Plin. nat. 9, 44-45 : Fiunt et in quibusdam amnibus haud minores, silurus in Nilo, isox in Rheno, attilus in Pado, inertia pinguescens ad mille aliquando libras, catenato captus hamo nec nisi boum iugis extractus. […] [Silurus] praecipue in Moeno Germaniae amne protelis boum […] extrahitur : « Dans certains fleuves des poissons deviennent aussi grands : le silure dans le Nil, l’esox dans le Rhin, l’attilus dans le Po ; celui-ci s’engraisse au point d’atteindre parfois 1 000 livres ; on le prend avec un hameçon fixé à une chaîne et on ne le tire de l’eau qu’avec un attelage de bœufs. […] C’est en particulier dans le Main, fleuve de Germanie, qu’on hale [le silure] hors de l’eau avec des attelages de bœufs » (De Saint-Denis 1955, 52). L’anecdote se retrouve aussi dans Ael. NA 14, 25, à propos de poissons du Danube. Certaines catégories d’esturgeons deviennent très grosses à l’âge adulte : l’esturgeon commun (Acipenser sturio Linné, 1758) atteint 3 m de long et peut peser jusqu’à 200 kg, tandis que le beluga (Huso huso Linné, 1758, à ne pas confondre avec le cétacé qui porte le même nom) peut atteindre 9 m de long et peser plus de 1 500 kg.. Il donne une chair très douce et très semblable d’aspect et de goût à celle du porc. L’ezox n’a qu’un seul intestin, des os peu nombreux, petits et plutôt cartilagineux que solides, mais toutefois les os de sa tête sont nombreux et solides5explicationL’esturgeon est un poisson osseux, qui n’a pas d’arêtes.. Et dans ce poisson sont représentés ceux qui, dotés d’une grande âme, se proposent d’atteindre la vertu, mais échouent à réaliser leur objectif.

Notes d'identification :

1. La description de Thomas peut faire penser à l’une des espèces d’esturgeon présentes dans le Danube, mais le fait qu’il mentionne clairement l’esturgeon (sturio) comme un poisson différent vient jeter le trouble. Peut-être l’existence de plusieurs espèces dans ce fleuve pourrait-elle justifier la distinction entre ezox et sturio. On trouve en effet dans le Danube l’esturgeon commun (Acipenser sturio Linné, 1758), le sterlet (Acipenser ruthenus Linné, 1758), le grand esturgeon (Acipenser huso Linné, 1758) et le beluga (Huso huso Linné, 1758, à ne pas confondre avec le cétacé du même nom). L’ezox serait l’un de ces poissons, le sturio un autre. On peut rappeler ce commentaire prudent de De Saint-Denis 1947, XXVII, à propos de ce poisson : « Esox, qui désignait un poisson du Rhin (on ne peut préciser davantage : saumon ? esturgeon ? brochet ?), a été accaparé par les naturalistes pour dénommer le genre brochet ». Les chapitres 10 (Accipender) et 70 (Sturio) concernent aussi l’esturgeon.

Notes d'explication :

2. Albert le Grand, dans le De animalibus, consacre un chapitre à l’ezox (ch. 49) et un à l’huso (ch. 49a) ; son ezox, différent de celui décrit par Thomas de Cantimpré, est presque certainement le saumon, et la description de l’huso évoque le beluga avec assez de précision. | 

3. L’esturgeon en effet n’est pas couvert d’écailles, mais d’une peau qui constitue l’un des plus beaux cuirs de poisson. Elle est utilisée en petite maroquinerie. | 

4. Cette information remonte à l’Antiquité ; ainsi Plin. nat. 9, 44-45 : Fiunt et in quibusdam amnibus haud minores, silurus in Nilo, isox in Rheno, attilus in Pado, inertia pinguescens ad mille aliquando libras, catenato captus hamo nec nisi boum iugis extractus. […] [Silurus] praecipue in Moeno Germaniae amne protelis boum […] extrahitur : « Dans certains fleuves des poissons deviennent aussi grands : le silure dans le Nil, l’esox dans le Rhin, l’attilus dans le Po ; celui-ci s’engraisse au point d’atteindre parfois 1 000 livres ; on le prend avec un hameçon fixé à une chaîne et on ne le tire de l’eau qu’avec un attelage de bœufs. […] C’est en particulier dans le Main, fleuve de Germanie, qu’on hale [le silure] hors de l’eau avec des attelages de bœufs » (De Saint-Denis 1955, 52). L’anecdote se retrouve aussi dans Ael. NA 14, 25, à propos de poissons du Danube. Certaines catégories d’esturgeons deviennent très grosses à l’âge adulte : l’esturgeon commun (Acipenser sturio Linné, 1758) atteint 3 m de long et peut peser jusqu’à 200 kg, tandis que le beluga (Huso huso Linné, 1758, à ne pas confondre avec le cétacé qui porte le même nom) peut atteindre 9 m de long et peser plus de 1 500 kg. | 

5. L’esturgeon est un poisson osseux, qui n’a pas d’arêtes.