CopierCopier dans le presse-papierPour indiquer l’adresse de consultation« Thomas de Cantimpré - Livre de la Nature — Livre VII. Les poissons de mer ou de rivière.  », in Bibliothèque Ichtya, état du texte au 07/12/2024. [En ligne : ]
CopierCopier dans le presse-papierSource de référence

Fichier nativement numérique.

Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.

V. De alleciis [les harengs1identificationOn peut reconnaître dans la description des allecia, poissons de la mer du Nord et de la Manche, des traits caractéristiques du hareng (Clupea harengus Linné, 1758). Dans l’Antiquité, le terme (h)allec/(h)allex désignait soit une sorte de marinade, soit le poisson qui entrait dans sa composition (De Saint-Denis 1947, 45). Pline (Plin. nat. 31, 95) nomme (h)allex une sauce à base de menuise décomposée et comparable au garum, mais distingue le condiment du poisson qu’il appelle apua, vocable rapproché du grec ἀφυή : « L’allex, rebut du garum, n’est qu’une lie grossière et mal filtrée. Cependant, on s’est mis à en préparer aussi spécialement avec un poisson tout petit et sans valeur : nous l’appelons apua, les Grecs, aphyé » (Serbat 1972, 65). Ni le témoignage de Pline ni celui d’Isidore de Séville (Isid. orig. 12, 6, 39) ne permettent de déterminer s’il s’agissait d’une espèce de menuise particulière. André 1986, 204, n. 384, note que le diminutif allicula renvoie chez Columelle à un petit poisson de rivière qui pourrait être le vairon (Phoxinus laevis Linné, 1758) et que le terme allec a des représentants romans qui désignent la sardine et l’alose.]

Lieux parallèles : AM, [Allec] (24, 2 (7)) ; VB, De halece (17, 30) ; HS, Allec (4, 3).
2. [α] LR
[α] Les harengs sont des poissons de mer qui, à ce qu’en dit le Livre de la nature, vivent dans la mer occidentale qui se trouve entre la Grande-Bretagne et la Germanie. On dit qu’il y a une saison privilégiée pour pêcher les harengs comme pour presque toutes les espèces marines. En effet, chaque espèce marine a sa saison de pêche et, à une autre saison, elle n’est pas bonne. La meilleure saison pour pêcher ce poisson est en août ou en septembre. La pêche peut se prolonger jusqu’en décembre, mais c’est rarement le cas car la bonne saison pour pêcher dure peu de temps. C’est un très petit poisson, mais, lorsqu’il vient d’être pêché, il offre une chair très délicate. Une fois salé, il reste comestible par l’homme plus longtemps que les autres poissons.
3. [β] LR?
[β] La saveur de sa tête est parfois un peu gâchée par l’amertume de la saumure.
4. [γ] LR?
[γ] De tous les poissons, il est presque le seul à ne vivre que d’eau2explicationDepuis l’Antiquité, chaque élément s’est vu attribuer un animal qui lui est spécifiquement attaché : le caméléon (ou le pluvier) ne vit que d’air, la taupe, de terre, la salamandre, de feu, et le hareng ne vit que d’eau et dans l’eau. Voir James-Raoul 2002, 180-181 et Thomasset 2002, 68-69. et à ne pas pouvoir vivre hors de l’eau, et dès qu’il se trouve en contact avec l’air, il meurt, et il n’y a aucun délai entre le moment où il a touché l’air et sa mort. Ses yeux brillent dans la nuit comme des lumières, mais ils perdent leur propriété à la mort du poisson. Partout où ces poissons voient des lanternes briller, en mer, à la surface de l’eau, ils s’en approchent par bancs entiers, et ils se font prendre dans les filets grâce à ce piège3explicationLes harengs se nourrissent de zooplancton qu’ils filtrent avec leurs arcs branchiaux ; la lumière attire le zooplancton et donc les harengs qui s’en nourrissent. De même, on pêche encore aujourd’hui les sardines et les anchois au lamparo, c’est-à-dire à la lanterne, de nuit, quand les bancs remontent à la surface. Cipriani 2017, 25, voit dans cette remarque sur le mode de pêche un contenu caractéristique des emprunts au Liber Rerum, qui cachent peut-être des remarques personnelles de Thomas de Cantimpré.. La divine providence les amène en temps voulu comme si elle avait réservé leur pêche à la consommation de l’homme. Mais en hiver, ils se cachent dans les profondeurs de la mer jusqu’au bon moment, et notamment sur les côtes de la Germanie.
5. [δ] LR?
[δ] Les meilleurs harengs se trouvent en Écosse, et les plus mauvais le long des côtes de la Germanie.

Notes d'identification :

1. On peut reconnaître dans la description des allecia, poissons de la mer du Nord et de la Manche, des traits caractéristiques du hareng (Clupea harengus Linné, 1758). Dans l’Antiquité, le terme (h)allec/(h)allex désignait soit une sorte de marinade, soit le poisson qui entrait dans sa composition (De Saint-Denis 1947, 45). Pline (Plin. nat. 31, 95) nomme (h)allex une sauce à base de menuise décomposée et comparable au garum, mais distingue le condiment du poisson qu’il appelle apua, vocable rapproché du grec ἀφυή : « L’allex, rebut du garum, n’est qu’une lie grossière et mal filtrée. Cependant, on s’est mis à en préparer aussi spécialement avec un poisson tout petit et sans valeur : nous l’appelons apua, les Grecs, aphyé » (Serbat 1972, 65). Ni le témoignage de Pline ni celui d’Isidore de Séville (Isid. orig. 12, 6, 39) ne permettent de déterminer s’il s’agissait d’une espèce de menuise particulière. André 1986, 204, n. 384, note que le diminutif allicula renvoie chez Columelle à un petit poisson de rivière qui pourrait être le vairon (Phoxinus laevis Linné, 1758) et que le terme allec a des représentants romans qui désignent la sardine et l’alose.

Notes d'explication :

2. Depuis l’Antiquité, chaque élément s’est vu attribuer un animal qui lui est spécifiquement attaché : le caméléon (ou le pluvier) ne vit que d’air, la taupe, de terre, la salamandre, de feu, et le hareng ne vit que d’eau et dans l’eau. Voir James-Raoul 2002, 180-181 et Thomasset 2002, 68-69. | 

3. Les harengs se nourrissent de zooplancton qu’ils filtrent avec leurs arcs branchiaux ; la lumière attire le zooplancton et donc les harengs qui s’en nourrissent. De même, on pêche encore aujourd’hui les sardines et les anchois au lamparo, c’est-à-dire à la lanterne, de nuit, quand les bancs remontent à la surface. Cipriani 2017, 25, voit dans cette remarque sur le mode de pêche un contenu caractéristique des emprunts au Liber Rerum, qui cachent peut-être des remarques personnelles de Thomas de Cantimpré.