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Édité et traduit par Brigitte Gauvin ; Catherine Jacquemard ; Marie-Agnès Lucas-Avenel.II. De anguilla [l’anguille1identificationLe poisson ici décrit est l’anguille commune (Anguilla anguilla Linné, 1758).]
[α] Hier. job.Weber-Gryson, 731
[β] Plin. nat.10, 189
[γ] Plin. nat.9, 160
[δ] Isid. orig.12, 6, 41
[ζ] Plin. nat.9, 74
[ζ] Arist. HA.592 a 10-15 MS
[η] Exp.?
[θ] Isid. orig.12, 6, 41
[α] L’anguille est un poisson, à ce qu’en dit Jérôme, semblable au serpent, d’où son nom, tiré de celui du serpent. Plus fort on la serre, plus vite elle vous glisse des mains. Elle se dépiaute avec difficulté. On dit qu’elle naît de la fange des autres poissons.À leur propos Pline dit que[β] les anguilles n’ont ni sexe masculin, ni sexe féminin2explicationLes ovaires et les testicules des anguilles se développent tardivement et leur maturation sexuelle ne s’achève que dans la mer des Sargasses.. Et, en effet, on n’en pas trouvé qui contiennent des œufs.[γ] Elles se frottent assez fréquemment contre les rochers : ce sont ces raclures qui prennent vie. Elles n’ont pas d’autre mode de procréation3explicationLa reproduction des anguilles, qui fraient dans la mer des Sargasses, éloignée de 4 000 ou 7 000 km de leur habitat, n’est connue que depuis peu de temps, ce qui explique les différentes explications fournies dans ce chapitre sur une possible reproduction spontanée. Les civelles issues de la métamorphose des larves émigrent dans les eaux saumâtres, les unes restant dans les estuaires, les autres gagnant les eaux douces des rivières et des fleuves. Bien des zones d'ombre demeurent cependant à ce sujet, entre autres le fait qu'on n'ait jamais observé d'anguille adulte dans la mer des Sargasses..[δ] Quant aux anguilles noyées dans le vin, à ce qu’en dit Isidore, ceux qui absorbent cette boisson sont dégoûtés du vin.[ε] Elles sont effrayées par le tonnerre. Elles aiment les rivières aux eaux claires. Elles s’attaquent aux petits poissons de moindre force, mais surtout quand ils sont à l’état d’alevins.[ζ] Les anguilles, à ce qu’en disent Aristote et Pline, vivent de nombreuses années, et, par ailleurs, elles résistent six jours hors de l’eau4explicationLes capacités de résistance des anguilles sont bien connues et réellement étonnantes. Elles peuvent supporter un long séjour à l’air, car elles n’ont pas d’écailles, et sont recouvertes d’un mucus abondant, ce qui les protège de la dessiccation., et cela quand souffle le vent du Nord ; mais, quand souffle le vent du Sud, elles résistent moins de jours hors de l’eau. En hiver, elles ne peuvent pas vivre dans une petite quantité d’eau, et elles ne supportent pas bien les eaux troubles. Et c’est pourquoi on les pêche surtout au coucher des Pléiades, quand les vents contraires troublent l’eau, c’est-à-dire au moment des Vergilies5explication Le terme Vergiliae désigne la constellation des Pléiades. Il est à l’origine du nom des poissons évoqués par Thomas de Cantimpré au ch. XC, les Vergiliales.. Elles s’alimentent la nuit. Elles sont les seuls poissons dont les cadavres ne remontent pas à la surface6explicationCe fait s’explique par l’absence de vessie natatoire chez l’anguille., sinon après que l’eau les a putréfiés et décomposés7philologieLes informations de Pline sont tirées du chapitre d’Aristote consacré aux anguilles (Arist. HA 592 a), mais il faut suspecter une altération de la tradition manuscrite de Pline (De Saint-Denis 1955, 123), qui aboutit à des indications incohérentes et compromet la justesse des observations contenues dans la source grecque. On peut mesurer l’ampleur des détériorations en se reportant au texte d’Aristote : « les anguilles sont vite asphyxiées, si leur eau n’est pas pure, car elles ont les branchies petites. Voilà pourquoi, quand on les pêche, on trouble l’eau et pourquoi on en prend dans le Strymon au lever des Pléiades [lever héliaque en mai, lever vespéral en octobre] : car à ce moment-là l’eau et la boue se mêlent sous le souffle de vents opposés […]. Lorsque les anguilles sont mortes, elles ne flottent pas et ne remontent pas à la surface comme les autres poissons […]. Une fois retirées de l’eau, elles vivent encore cinq ou six jours, davantage par vent du nord, moins par vent du sud. Et quand on les transporte en été des mares dans les viviers, elles meurent, ce qui n’arrive pas en hiver » (Louis 1969, 13)..À ce qu’en dit l’Expérimentateur, [η] la graisse d’anguille soigne les oreilles. Elle est très dure à tuer, elle qui continue de vivre même dépiautée. Elle se cuit plus longtemps qu’un autre poisson, autrement sa chair est nocive. Elle est meilleure grillée sur la braise, parce qu’ainsi sa malignité s’évapore.[θ] Dans le Gange, les anguilles ont trente coudées de long8philologieLe texte d’Isidore de Séville comportait la leçon tricenis pedibus, « trente pieds », et reproduisait une information de Solin sur la longueur exceptionnelle des anguilles du Gange..
Notes philologiques :
7. Les informations de Pline sont tirées du chapitre d’Aristote consacré aux anguilles (Arist. HA 592 a), mais il faut suspecter une altération de la tradition manuscrite de Pline (De Saint-Denis 1955, 123), qui aboutit à des indications incohérentes et compromet la justesse des observations contenues dans la source grecque. On peut mesurer l’ampleur des détériorations en se reportant au texte d’Aristote : « les anguilles sont vite asphyxiées, si leur eau n’est pas pure, car elles ont les branchies petites. Voilà pourquoi, quand on les pêche, on trouble l’eau et pourquoi on en prend dans le Strymon au lever des Pléiades [lever héliaque en mai, lever vespéral en octobre] : car à ce moment-là l’eau et la boue se mêlent sous le souffle de vents opposés […]. Lorsque les anguilles sont mortes, elles ne flottent pas et ne remontent pas à la surface comme les autres poissons […]. Une fois retirées de l’eau, elles vivent encore cinq ou six jours, davantage par vent du nord, moins par vent du sud. Et quand on les transporte en été des mares dans les viviers, elles meurent, ce qui n’arrive pas en hiver » (Louis 1969, 13). |
8. Le texte d’Isidore de Séville comportait la leçon tricenis pedibus, « trente pieds », et reproduisait une information de Solin sur la longueur exceptionnelle des anguilles du Gange.
Notes d'identification :
1. Le poisson ici décrit est l’anguille commune (Anguilla anguilla Linné, 1758).
Notes d'explication :
2. Les ovaires et les testicules des anguilles se développent tardivement et leur maturation sexuelle ne s’achève que dans la mer des Sargasses. |
3. La reproduction des anguilles, qui fraient dans la mer des Sargasses, éloignée de 4 000 ou 7 000 km de leur habitat, n’est connue que depuis peu de temps, ce qui explique les différentes explications fournies dans ce chapitre sur une possible reproduction spontanée. Les civelles issues de la métamorphose des larves émigrent dans les eaux saumâtres, les unes restant dans les estuaires, les autres gagnant les eaux douces des rivières et des fleuves. Bien des zones d'ombre demeurent cependant à ce sujet, entre autres le fait qu'on n'ait jamais observé d'anguille adulte dans la mer des Sargasses. |
4. Les capacités de résistance des anguilles sont bien connues et réellement étonnantes. Elles peuvent supporter un long séjour à l’air, car elles n’ont pas d’écailles, et sont recouvertes d’un mucus abondant, ce qui les protège de la dessiccation. |
5. Le terme Vergiliae désigne la constellation des Pléiades. Il est à l’origine du nom des poissons évoqués par Thomas de Cantimpré au ch. XC, les Vergiliales. |
6. Ce fait s’explique par l’absence de vessie natatoire chez l’anguille.