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Édité et traduit par Brigitte Gauvin.<Alforaz [le poisson-écume : le lançon équille1identificationStadler 1920, 1519, n. 27 et Kitchell & Resnick 1999, 1661, n. 42, rapprochent la notice de l’alforaz de la discussion d’Aristote (Arist. HA 569 a 10 - b 4) sur la génération spontanée de la menuaille, désignée sous le terme générique d’ἀφυή. Aristote distingue parmi ces petits poissons une espèce qu’il appelle l’écume, ἀφρός. Il est donc tentant de voir dans le vocable alforam une forme issue du grec ἀφρός, d’autant que les descriptions correspondent à des montages, sinon de citations fidèles, du moins d’emprunts à Aristote. On notera que si Louis 1973, 86, retient pour traduire ἀφυή les équivalents génériques de « menu fretin, menuaille, blanchaille » (ou peut-être « civelle »), il propose d’identifier l’ἀφρός, « l’écume », avec le lançon équille.]>
[α] Arist. HA, 569 b 29 - 570 a 2 MS3sources« Et l’animal appelé afforoz n’est pas engendré ; il est humide et vit peu de temps, comme nous l’avons dit plus haut. Et il pourrit jusqu’à ce qu’il ne reste de lui que les yeux et la tête ; et selon les marins, si on le sale, il durera plus longtemps ». Le terme humidus employé par Michel Scot correspond au mot grec υγρός , « mou ».
4. [α] L’alforaz est un poisson qui naît de la décomposition de la boue et se forme dans la boue sèche, à la manière d’un ver ; ce ver, lorsque l’eau monte, prend la forme d’un poisson. À son sujet, les marins prétendent que si, lors de sa décomposition, il se désagrège jusqu’à la tête et aux yeux, il renaît lorsque l’eau arrive et vit alors longtemps, alors que sa vie était courte avant cette régénération4explicationLe texte d’Albert le Grand, comme celui de Thomas de Cantimpré, semble avoir opéré un raccourci hâtif entre deux observations d’Aristote, raccourci auquel invitait d’ailleurs la formulation plutôt maladroite et confusionnelle de leur source, le texte de Michel Scot. En Arist. HA 569 b 1, il est indiqué que le poisson-écume « au bout d’un certain temps périt, mais il en revient d’autres » ; l’information est complétée en Arist. HA 569 b 28 : « Le poisson-écume, qui est stérile, est mou et se garde peu de temps, ainsi que nous l’avons dit plus haut. À la fin, il ne reste que la tête et les yeux. Cependant les pêcheurs ont trouvé maintenant un moyen pour le transporter : en effet, quand il est salé, il se conserve plus longtemps. » (Louis 1968, 96-97 ; voir aussi n. 7, p. 168). Une lecture rapide, induite par le renvoi lui-même, aboutit à confondre la durée de vie du poisson et sa durée de conservation. Albert le Grand suit ici fidèlement Thomas de Cantimpré, même pour l’étrange résurrection du poisson. L’erreur vient donc de Thomas, qui semble ne pas comprendre que le poisson se conserve plus longtemps s’il est salé, et non de la traduction de Michel Scot qui rend justice à Aristote. Mais c’est Albert le Grand qui ajoute le rôle salutaire de l’eau dans la résurrection du poisson, donnant ainsi peut-être au texte une portée religieuse rarissime chez lui. On peut en effet légitimement se demander si une forte acculturation chrétienne n’a pas conduit Albert le Grand à interpréter et à reformuler les considérations profanes d’Aristote comme une métaphore implicite de la régénérescence de l’homme pécheur par l’eau baptismale..
Notes d'identification :
1. Stadler 1920, 1519, n. 27 et Kitchell & Resnick 1999, 1661, n. 42, rapprochent la notice de l’alforaz de la discussion d’Aristote (Arist. HA 569 a 10 - b 4) sur la génération spontanée de la menuaille, désignée sous le terme générique d’ἀφυή. Aristote distingue parmi ces petits poissons une espèce qu’il appelle l’écume, ἀφρός. Il est donc tentant de voir dans le vocable alforam une forme issue du grec ἀφρός, d’autant que les descriptions correspondent à des montages, sinon de citations fidèles, du moins d’emprunts à Aristote. On notera que si Louis 1973, 86, retient pour traduire ἀφυή les équivalents génériques de « menu fretin, menuaille, blanchaille » (ou peut-être « civelle »), il propose d’identifier l’ἀφρός, « l’écume », avec le lançon équille.
Notes de source :
2. « Et, dit-on, ce lieu se dessèche au moment de la canicule, et <l’humidité de> la vase et de la pourriture est emportée de ce lieu ; et quand l’eau revient, de petits poissons y naissent. Et on voyait les poissons de ce genre grouiller dans l’écume, comme les vers grouillent dans le fumier] » . Le ver, chez Aristote, n’est donc pas la forme première du poisson, mais une comparaison présente dans le même passage et mal comprise par les encyclopédistes (cf. Arist. HA 569 b 17-18 MS) : |
3. « Et l’animal appelé afforoz n’est pas engendré ; il est humide et vit peu de temps, comme nous l’avons dit plus haut. Et il pourrit jusqu’à ce qu’il ne reste de lui que les yeux et la tête ; et selon les marins, si on le sale, il durera plus longtemps ». Le terme humidus employé par Michel Scot correspond au mot grec υγρός , « mou ».
Notes d'explication :
4. Le texte d’Albert le Grand, comme celui de Thomas de Cantimpré, semble avoir opéré un raccourci hâtif entre deux observations d’Aristote, raccourci auquel invitait d’ailleurs la formulation plutôt maladroite et confusionnelle de leur source, le texte de Michel Scot. En Arist. HA 569 b 1, il est indiqué que le poisson-écume « au bout d’un certain temps périt, mais il en revient d’autres » ; l’information est complétée en Arist. HA 569 b 28 : « Le poisson-écume, qui est stérile, est mou et se garde peu de temps, ainsi que nous l’avons dit plus haut. À la fin, il ne reste que la tête et les yeux. Cependant les pêcheurs ont trouvé maintenant un moyen pour le transporter : en effet, quand il est salé, il se conserve plus longtemps. » (Louis 1968, 96-97 ; voir aussi n. 7, p. 168). Une lecture rapide, induite par le renvoi lui-même, aboutit à confondre la durée de vie du poisson et sa durée de conservation. Albert le Grand suit ici fidèlement Thomas de Cantimpré, même pour l’étrange résurrection du poisson. L’erreur vient donc de Thomas, qui semble ne pas comprendre que le poisson se conserve plus longtemps s’il est salé, et non de la traduction de Michel Scot qui rend justice à Aristote. Mais c’est Albert le Grand qui ajoute le rôle salutaire de l’eau dans la résurrection du poisson, donnant ainsi peut-être au texte une portée religieuse rarissime chez lui. On peut en effet légitimement se demander si une forte acculturation chrétienne n’a pas conduit Albert le Grand à interpréter et à reformuler les considérations profanes d’Aristote comme une métaphore implicite de la régénérescence de l’homme pécheur par l’eau baptismale.