CopierCopier dans le presse-papierPour indiquer l’adresse de consultation« Albert Le Grand - Les animaux — Livre XXIV. Les animaux aquatiques.  », in Bibliothèque Ichtya, état du texte au 16/09/2024. [En ligne : ]
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Édité et traduit par Brigitte Gauvin.

<Escynus [l’oursin, le rémora1identificationCe chapitre présente une confusion importante mais très répandue entre oursin (Echinoidea Leske, 1778) et rémora (Remora remora Linné, 1758), qu’on retrouvera ailleurs. Cette confusion, qui repose sur la paronymie, est ancienne : dans l’œuvre de Pline, le rémora s’appelle echeneis (Plin. nat. 9, 79) ; la proximité phonétique de ce terme avec celui d’echinus a entraîné une confusion entre les deux animaux dans l’esprit des lecteurs, d’autant plus que Pline associe les deux animaux à l’évocation de tempêtes. La confusion est avérée dans l’œuvre de Thomas de Cantimpré, dont le long chapitre intitulé De echino (TC 7, 31) comporte à part égale des informations sur le rémora et d’autres sur l’oursin. Albert le Grand qui suit, en l’abrégeant, Thomas de Cantimpré, reprend aussi la confusion. La répartition est cependant différente : dans le chapitre d’Albert le Grand, le début de ce chapitre est constitué d’informations portant sur l’oursin ; le dernier paragraphe en revanche concerne le rémora. Il est néanmoins difficile d’en déduire qu’Albert le Grand avait distingué les deux animaux.]>

Renvois internes : cf. Ericius, ch. 50.
Lieux parallèles : TC, De echino (7, 31) ; VB, De echenei vel echino (17, 36), De icino marino (17, 58-59) ; HS, Escinus (4, 34), Icinus (4, 44).
2. [α] Plin. nat.9, 1002sources« À la même espèce appartiennent les oursins, qui ont des piquants comme pieds […]. Ils n’ont pas tous la même couleur verdâtre. Autour de Torone ils sont blancs, avec de petits piquants. Tous ont des œufs amers, au nombre de cinq. Ils ont la bouche au milieu du corps, tournée vers le sol ».
48. L’escynus [rémora] appartient au genre des cancri et mesure un demi-pied. [α] Ces animaux sont blancs autour de la couronne3explicationLe retour au texte de Pline permet d’éclaircir cette étrange indication : il ne s’agit pas d’une couronne, mais de la ville de Torone (Toronen), en Chalcidique, où l’on trouve des oursins blancs (Sphaerecinus granularis Lamarck, 1816). Albert le Grand suit ici Thomas de Cantimpré et recopie son erreur., ils ont des piquants en guise de pieds et la bouche au milieu du corps ; ils sont de la couleur du verre et ressemblent au scorpion. À la place de dents, ils ont dans la bouche de larges piquants4explicationIl s’agit sans doute d’une indication qui remonte à l’Aristote latin mais dont les éléments auraient été très mal interprétés : Iricius vero habet quinque dentes intra os et inter illos habet partes carnosas loco linguae, « l’oursin possède cinq dents à l’intérieur de la bouche et entre les dents des parties charnues qui tiennent lieu de langue » (Arist. HA 530 b 25-26 MS). ; ils pondent cinq œufs qui sont très amers5explicationDe Saint-Denis 1955, 131, explique qu’il ne s’agit pas des œufs mais des ovaires (ovaria) de l’oursin, disposés en étoile, qui forment la partie mangeable.. Cet animal est très toxique et ne peut être mangé sans détruire complètement celui qui le mange.
3. [β] Plin. nat.9, 1006sources« On rapporte qu’ils pressentent le déchaînement de la mer et qu’ils s’y préparent grâce aux petites pierres qu’ils saisissent, résistant par leur poids à l’agitation des flots ; ils ne veulent pas émousser leurs piquants en roulant en tout sens. Quand les marins s’en aperçoivent, ils immobilisent leurs navires grâce à plusieurs ancres ».
[β] Ce poisson [oursin] annonce les tempêtes : sentant en effet la matière des vents s’élever du fond, il s’empare d’une pierre et se stabilise en se tenant à elle comme à une ancre : et quand les marins voient cet escynus [oursin] tirer une pierre, ils mettent eux aussi leurs bateaux à l’ancre7zoologieBien qu’on trouve souvent des oursins fixés à une pierre, ce phénomène est sans rapport avec l’annonce des tempêtes. Cette croyance remonte à l’Antiquité (par exemple Ael. NA 7, 33)..
4. [γ] AM
[δ] Plin. nat.9, 799sources« Il existe un tout petit poisson qui vit en milieu rocheux, appelé echeneis [rémora]. Lorsqu’il s’attache à la coque, on croit qu’il est capable de ralentir les navires ; de là vient le nom qu’on lui a attribué. »32, 210sources« Toutes ces puissances cependant, alors qu’elles se déchainent en un même mouvement, c’est un seul poisson, tout petit, appelé echenais, qui a le pouvoir sur elles. Les vents peuvent bien se ruer, les tempêtes faire rage, il commande à leur fureur, contient leurs si grandes forces et oblige les navires à s’arrêter, ce qu’aucune chaîne, aucune ancre d’un poids invincible ne pourrait faire ».
[γ] Ce poisson, l’escynus [rémora], est celui dont nous avons dit précédemment8sourcesVoir AM, DA, 2, 1, 83. qu’il immobilise les navires : [δ] en effet, s’il s’attache sous un navire de deux cents pieds ou plus, l’eschynus [rémora] l’immobilise avec tout son équipement et résiste à la force des vents, quelle qu’elle soit, si bien qu’on ne peut plus faire avancer le navire, que ce soit par la technique ou par la force11explicationLes Anciens étaient fascinés par la force du rémora qu’ils exagéraient au point de lui accorder le pouvoir d’arrêter les navires ; ils prêtaient aussi à ce poisson des pouvoirs magiques. Voir Jouteur 2023..

Notes d'identification :

1. Ce chapitre présente une confusion importante mais très répandue entre oursin (Echinoidea Leske, 1778) et rémora (Remora remora Linné, 1758), qu’on retrouvera ailleurs. Cette confusion, qui repose sur la paronymie, est ancienne : dans l’œuvre de Pline, le rémora s’appelle echeneis (Plin. nat. 9, 79) ; la proximité phonétique de ce terme avec celui d’echinus a entraîné une confusion entre les deux animaux dans l’esprit des lecteurs, d’autant plus que Pline associe les deux animaux à l’évocation de tempêtes. La confusion est avérée dans l’œuvre de Thomas de Cantimpré, dont le long chapitre intitulé De echino (TC 7, 31) comporte à part égale des informations sur le rémora et d’autres sur l’oursin. Albert le Grand qui suit, en l’abrégeant, Thomas de Cantimpré, reprend aussi la confusion. La répartition est cependant différente : dans le chapitre d’Albert le Grand, le début de ce chapitre est constitué d’informations portant sur l’oursin ; le dernier paragraphe en revanche concerne le rémora. Il est néanmoins difficile d’en déduire qu’Albert le Grand avait distingué les deux animaux.

Notes de source :

2. « À la même espèce appartiennent les oursins, qui ont des piquants comme pieds […]. Ils n’ont pas tous la même couleur verdâtre. Autour de Torone ils sont blancs, avec de petits piquants. Tous ont des œufs amers, au nombre de cinq. Ils ont la bouche au milieu du corps, tournée vers le sol ». | 

6. « On rapporte qu’ils pressentent le déchaînement de la mer et qu’ils s’y préparent grâce aux petites pierres qu’ils saisissent, résistant par leur poids à l’agitation des flots ; ils ne veulent pas émousser leurs piquants en roulant en tout sens. Quand les marins s’en aperçoivent, ils immobilisent leurs navires grâce à plusieurs ancres ».  | 

8. Voir AM, DA, 2, 1, 83. | 

9. « Il existe un tout petit poisson qui vit en milieu rocheux, appelé echeneis [rémora]. Lorsqu’il s’attache à la coque, on croit qu’il est capable de ralentir les navires ; de là vient le nom qu’on lui a attribué. » | 

10. « Toutes ces puissances cependant, alors qu’elles se déchainent en un même mouvement, c’est un seul poisson, tout petit, appelé echenais, qui a le pouvoir sur elles. Les vents peuvent bien se ruer, les tempêtes faire rage, il commande à leur fureur, contient leurs si grandes forces et oblige les navires à s’arrêter, ce qu’aucune chaîne, aucune ancre d’un poids invincible ne pourrait faire ».

Notes d'explication :

3. Le retour au texte de Pline permet d’éclaircir cette étrange indication : il ne s’agit pas d’une couronne, mais de la ville de Torone (Toronen), en Chalcidique, où l’on trouve des oursins blancs (Sphaerecinus granularis Lamarck, 1816). Albert le Grand suit ici Thomas de Cantimpré et recopie son erreur. | 

4. Il s’agit sans doute d’une indication qui remonte à l’Aristote latin mais dont les éléments auraient été très mal interprétés : Iricius vero habet quinque dentes intra os et inter illos habet partes carnosas loco linguae, « l’oursin possède cinq dents à l’intérieur de la bouche et entre les dents des parties charnues qui tiennent lieu de langue » (Arist. HA 530 b 25-26 MS). | 

5. De Saint-Denis 1955, 131, explique qu’il ne s’agit pas des œufs mais des ovaires (ovaria) de l’oursin, disposés en étoile, qui forment la partie mangeable. | 

11. Les Anciens étaient fascinés par la force du rémora qu’ils exagéraient au point de lui accorder le pouvoir d’arrêter les navires ; ils prêtaient aussi à ce poisson des pouvoirs magiques. Voir Jouteur 2023.