CopierCopier dans le presse-papierPour indiquer l’adresse de consultation« Albert Le Grand - Les animaux — Livre XXIV. Les animaux aquatiques.  », in Bibliothèque Ichtya, état du texte au 21/11/2024. [En ligne : ]
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Édité et traduit par Brigitte Gauvin.

<Cancri [les crustacés1identificationLe terme latin cancer désigne de façon générique les crustacés marins aussi bien que ceux d’eau douce (le cancer fluviatilis correspondant le plus souvent à l’écrevisse, Astacus astacus Linné, 1758). Il recouvre des espèces aujourd’hui rangées dans l’ordre des décapodes, qu’il s’agisse de natantia, « ceux qui nagent » (les crevettes), ou, parmi les reptantia, « ceux qui marchent ou rampent », des macroures (les homards, les langoustines, les langoustes, les cigales de mer et, en eau douce, les écrevisses), des anomoures (en particulier, le pagure ou bernard-l’ermite) et des brachyoures (les crabes proprement dits, avec leurs plus grands représentants : le tourteau commun et l’araignée de mer). Au début du livre iv de l’Histoire des animaux (Arist. HA 525 a 30 - 527 b 35), Aristote consacre un long développement aux crustacés, qu’il classe parmi les animaux non sanguins et qu’il définit comme ayant la partie molle et charnue à l’intérieur et la partie dure à l’extérieur, partie dure qui offre la particularité d’être non friable, ce qui les distingue des testacés (les mollusques : les huîtres et les escargots). Parmi les crustacés (μαλακοστράκοι), il distingue (Arist. HA 525 a 30-35) la langouste (κάραβος), dont les représentants les plus communs sont Palinurus elephas Fabricius, 1787, et Palinurus mauretanicus Gruvel, 1911 ; le homard (ἀστακός), Homarus gammarus Linné, 1758 ; les différentes crevettes (καρίς) ; et le crabe (καρκίνος). Parmi les crabes, il différencie les araignées de mer (μαῖα) ; le crabe-pagure (πάγουρος), c’est-à-dire le tourteau commun, Cancer pagurus Linné, 1758 ; le crabe d’Héracleia (Ἡρακλεωτικός καρκίνος) ; le crabe de rivière (ποτάμιος καρκίνος). Il mentionne encore un petit crabe très rapide, le crabe-cheval ou le crabe-cavalier (ἴππος, ou ἰππεύς), sans doute Cancer cursor Linné, 1758 ; et un petit crustacé, sans nom spécifique, de la taille du crabe, mais de la forme du homard, vraisemblablement la langoustine, sous son représentant commun en Europe Nephrops norvegicus Linné, 1758. Arist. HA 529 b 20 - 530 a 12 décrit deux sortes de pagures ou bernard-l’ermite, qu’il juge appartenir à la fois aux crustacés et aux testacés : le « petit crabe » (καρκίνιον), le bernard-l’ermite commun, Pagurus bernhardus Linné, 1758, et le « bancal » (κύλλαρος). La tradition latine, à la suite de Pline (Plin. nat. 9, 95-99), n’a pas disposé dans sa terminologie d’une classification aussi précise. Si Plin. nat. 9, 95 décrit bien la langouste qu’il désigne sous son nom latin, locusta, en revanche, il désigne sous le nom générique cancer des espèces dont il a emprunté les dénominations calquées du grec (carabi, astaci, maeae, paguri, Heracleotici, hippoe) à la liste dressée par Aristote (Arist. HA 525 a 30-35) et dont il a confondu les descriptions dans un résumé maladroit (Plin. nat. 9, 96-97). Il est donc ici très difficile d’interpréter les différents sens que peut prendre le terme cancer alors que les notices sont loin de fournir des critères décisifs. Voir, pour la terminologie grecque, D’Arcy Thompson 1947, s. v. ἀστακός, Ἡρακλεωτικός, ἴππος, κάραβος, καρίς, καρκίνιον, καρκίνος, μαῖα, πάγουρος ; pour la terminologie latine, De Saint-Denis 1947, s. v. astacus, carabus, caris, cammarus, cancer, heracleoticus, hippoe, locusta, maea, pagurus, pinoteres.]>

Source : TC, De cancris (7, 19).
2. Renvois internes : ch. 34, Cricos ; ch. 67, Karabo ; ch. 71, Locusta maris.
Lieux parallèles : VB, De cancro (17, 36), De eodem (17, 37), De operatione cancrorum in cibo vel medicina (17, 38), De eodem (17, 39) ; HS, Cancer (4, 16).
3. 31. [α] Les cancri [crustacés] sont des animaux aquatiques appartenant au genre des animaux couverts d’une carapace molle2explicationAlbert le Grand veut parler des animaux dont la carapace est molle à l’origine, avant de durcir, par opposition avec les coquillages, dotés de coquilles « dures » dès leur naissance. ; et bien que la philosophie appelle cancri [crabes] les crustacés gros et ronds qui vivent dans la mer, qu’elle appelle « crevettes » d’autres crustacés pourvus d’une queue et « langoustes » les grands crustacés qui vivent dans la mer, cependant, comme nous utilisons une terminologie courante plutôt que celle des philosophes, nous employons le terme générique de cancri [crustacés] pour désigner tous ceux que l’on appelle couramment ainsi3explicationTout en rappelant à grands traits le classement d’Aristote, Albert le Grand assume ici de ne pas en tenir compte et de réunir toutes les espèces de crustacés sous une même dénomination. On constate ailleurs cette tendance à réunir sous une appellation générique plutôt que diviser en espèces spécifiques., c’est-à-dire tous les animaux à carapace molle pourvus de nombreuses pattes et qui se déplacent en arrière lorsqu’ils nagent, mais en avant lorsqu’ils marchent4explicationSur le mouvement des cancri, Albert le Grand s’oppose ici à Thomas de Cantimpré qui suit sa source Adelinus et écrit : nec unquam novit ante faciem suam ambulare. L’information délivrée par Thomas de Cantimpré sur la marche rétrograde des cancri ne traduit qu’imparfaitement la réalité du mode de locomotion des crustacés. Les espèces marcheuses ont adapté leur mode de locomotion pour mieux vaincre la résistance de l’eau en se déplaçant en file indienne, ou de côté et en diagonale. Les pléopodes et le telson permettent aux espèces nageuses de se déplacer en avant comme en arrière. Des espèces marcheuses, comme les homards et les langoustes, peuvent aussi nager rapidement en arrière grâce à la détente énergique de leur abdomen. Plin. nat. 9, 95, a observé cette faculté chez les langoustes (locustae) et en fait une description très précise, mais, quelques lignes plus loin (Plin. nat. 9, 99), il indique que ce sont les crabes (cancri) qui, lorsqu’ils sont effrayés, s’enfuient en reculant, sans avoir conscience de déformer un renseignement donné par Aristote (Arist. HA 590 b 27-28), justement sur les langoustes (καράϐοι)..
4. [β] AM
[β] L’humidité de ces animaux croît lorsque la lune croît elle aussi5sourceCette précision est bien présente chez TC, mais dans le ch. 27, De cocleis ; pour le cancer, Thomas de Cantimpré, reprenant Pline, indique simplement : pinguescunt, sed in plenilunio magis, qu’on retrouve infra. et, bien qu’ils soient de couleur foncée quand ils sont vivants, ils deviennent pourtant rouges quand on les cuit. À la pleine lune se développe sous leurs yeux, à l’intérieur, deux demi-sphères semblables à de la pierre6explicationIl s’agit de gastrolithes, concrétions calcaires que les crustacés fabriquent dans leur estomac et qui se situent en effet juste à l’arrière des yeux, raison pour laquelle on les appelle « yeux d’écrevisses ». Ces concrétions blanches et demi-sphériques aident à la formation de la nouvelle carapace après la mue. ; si on les broie et qu’on les donne en boisson, on prétend qu’elles renforcent le cœur7explicationIl est rare qu’Albert le Grand forunisse des informations thérapeutiques, mais celle-ci semble bien être un constat personnel (Grmek & Guinot 1965)..
5. [γ] Arist. HA, 525 b 5-10 MS8sources« […] Et sur un rivage qui se situe sur la mer de Judée, on trouve de petits crabes et on les appelle “soldats” à cause de la rapidité de leur course, car ils courent si vite qu’on ne peut les attraper. Et si on en attrape un et qu’on l’ouvre, on ne trouve en lui ni chair ni déchet d’aucune sorte parce qu’ils ne prennent pas de nourriture ».
[δ] AM
[ε] Iacobus de Vitriaco Historia orientalis, 909sources«  Il existe dans la mer occidentale des crabes qui attrapent les hommes et les entraînent sous l’eau, mais ils ont le dos dur comme les crocodiles ». Thomas de Cantimpré se trompe dans l’attribution de la citation et Albert le Grand le suit.
[γ] Il existe de nombreux genres de cancri [crustacés] : il y en a un en Inde qu’on appelle « soldat » à cause de sa rapidité ; on prétend qu’il n’a en lui aucun déchet ;[δ] cela ne s’explique pas par le fait qu’il ne mange pas, car c’est impossible ; mais c’est parce qu’il ne se nourrit que de l’humidité qu’il absorbe, à la manière d’une plante.[ε] Solin assure aussi que dans la mer Occidentale, il y a des cancri [crustacés] si gros qu’ils noient les hommes ; et ils ont le dos aussi dur que les crocodiles.
6. [ζ] Plin. nat.9, 9510sources« Elles [les langoustes] restent cachées pendant cinq mois. De même les crabes, qui se dissimulent à la même époque ; et les uns et les autres, au début du printemps, se dépouillent de leur mue à la manière des serpents et font peau neuve. »
[η] Plin. nat.9, 9612sources« […] En hiver ils recherchent les rivages ensoleillés, en été ils se retirent à l’abri, dans les profondeurs. Tous les animaux de cette catégorie souffrent de l’hiver ; ils engraissent à l’automne et au printemps, surtout à la pleine lune ».
[ζ] Les cancri [crustacés] se cachent en hiver pendant cinq mois. Au moment du printemps, ils sortent et se dépouillent de leur carapace comme le serpent se dépouille de sa peau11explicationLes informations délivrées par Thomas de Cantimpré et reprises par Albert le Grand sur la mue des crustacés viennent originellement d’Aristote (Arist. HA 601 a 10-18) via Pline. En effet les crustacés grandissent par mues successives et rejettent la carapace dure qui empêche l’extension de leurs tissus. Leur nouvelle carapace, d’abord molle, se gonfle d’eau et de sels minéraux et se calcifie progressivement. La mue se produit chez l’adulte en moyenne une fois par an, bien que les crustacés muent plus rarement une fois la maturité atteinte.. [η] Certains prétendent cependant qu’en hiver, ils recherchent les rivages ensoleillés, mais qu’en été ils recherchent les eaux et y reviennent. En hiver, ils souffrent aussi du froid ; en automne et au printemps, ils engraissent, et surtout à la pleine lune.
7. [θ] AM ?
[ι] Plin. nat.9, 9913sources« Ils servent de remède contre les piqûres de serpents ».
[θ] Sous l’abdomen, là où la queue prolonge le corps, les mâles possèdent quatre longs aiguillons saillants que n’ont pas les femelles. De plus, la queue du mâle est plus ronde, plus pleine et plus épaisse ; celle de la femelle est plus fine, vide et large comme si on l’avait écrasée. Les œufs sont d’abord fortement comprimés dans le corps de la femelle, puis ils sortent par un orifice et sont retenus [contre l’abdomen] par de courts aiguillons situés sous la queue, jusqu’à ce qu’ils soient fécondés ; [ι] ils soignent les morsures venimeuses de serpents14explicationLes vertus thérapeutiques des crabes contre les morsures de serpents sont signalées depuis l’Antiquité : par exemple, par Plin. nat. 32, 55, qui mentionne, dans ce cas, la supériorité des remèdes tirés du cancer de rivière sur ceux tirés du cancer de mer.. Quand le mâle et la femelle veulent s’accoupler, le mâle monte d’abord sur le dos de la femelle et alors la femelle se tourne sur le dos et ainsi le mâle s’unit avec elle en se frottant contre elle, à l’endroit où sortent les œufs15explicationThomas de Cantimpré, suivi et résumé par Albert le Grand, place les renseignements qu’il fournit ici sous l’autorité d’Aristote, qui traite avec précision de l’accouplement et de la reproduction des crustacés. Aristote (Arist. HA 526 b 26-33 ; HA 541 b 19-33) distingue le comportement des homards, des langoustes et des crevettes de celui des crabes. La notice de Thomas de Cantimpré correspond à la description de l’accouplement des crabes (Arist. HA 541 b 25-29). L’accouplement des crustacés se produit généralement au moment de la mue, quand la carapace molle de la femelle facilite l’insémination, mais les homards et les langoustes peuvent s’accoupler avec des femelles dures..
8. Le cancer [crustacé] vit de nombreux jours sans eau si on le nourrit de lait.
9. [κ] Nous avons traité de l’anatomie du cancer [crustacé] dans les livres précédents de cet ouvrage de sciences16sourcesVoir AM, DA, 4, 1, 18-33.
10. [λ] Ambr. hex.5, 8, 22
[λ] Ambroise raconte que le cancer [crustacé] aime pénétrer dans la coquille des huîtres et les manger ; d’un autre côté, craignant d’être enfermé et écrasé dans la coquille, il n’ose pas y entrer : il surveille donc l’huître jusqu’à ce qu’elle ouvre sa coquille aux rayons du soleil, qui lui plaisent ; alors, plaçant un caillou dans la coquille au moyen de sa patte avant, qui forme une pince, il l’empêche de se refermer ; puis il se repaît de l’huître17explicationCet exemple de l’ingéniosité dont font preuve les crabes pour déjouer les défenses de l’huître est un topos récurrent de la littérature moralisante des bestiaires et des recueils d’emblèmes..

Notes d'identification :

1. Le terme latin cancer désigne de façon générique les crustacés marins aussi bien que ceux d’eau douce (le cancer fluviatilis correspondant le plus souvent à l’écrevisse, Astacus astacus Linné, 1758). Il recouvre des espèces aujourd’hui rangées dans l’ordre des décapodes, qu’il s’agisse de natantia, « ceux qui nagent » (les crevettes), ou, parmi les reptantia, « ceux qui marchent ou rampent », des macroures (les homards, les langoustines, les langoustes, les cigales de mer et, en eau douce, les écrevisses), des anomoures (en particulier, le pagure ou bernard-l’ermite) et des brachyoures (les crabes proprement dits, avec leurs plus grands représentants : le tourteau commun et l’araignée de mer). Au début du livre iv de l’Histoire des animaux (Arist. HA 525 a 30 - 527 b 35), Aristote consacre un long développement aux crustacés, qu’il classe parmi les animaux non sanguins et qu’il définit comme ayant la partie molle et charnue à l’intérieur et la partie dure à l’extérieur, partie dure qui offre la particularité d’être non friable, ce qui les distingue des testacés (les mollusques : les huîtres et les escargots). Parmi les crustacés (μαλακοστράκοι), il distingue (Arist. HA 525 a 30-35) la langouste (κάραβος), dont les représentants les plus communs sont Palinurus elephas Fabricius, 1787, et Palinurus mauretanicus Gruvel, 1911 ; le homard (ἀστακός), Homarus gammarus Linné, 1758 ; les différentes crevettes (καρίς) ; et le crabe (καρκίνος). Parmi les crabes, il différencie les araignées de mer (μαῖα) ; le crabe-pagure (πάγουρος), c’est-à-dire le tourteau commun, Cancer pagurus Linné, 1758 ; le crabe d’Héracleia (Ἡρακλεωτικός καρκίνος) ; le crabe de rivière (ποτάμιος καρκίνος). Il mentionne encore un petit crabe très rapide, le crabe-cheval ou le crabe-cavalier (ἴππος, ou ἰππεύς), sans doute Cancer cursor Linné, 1758 ; et un petit crustacé, sans nom spécifique, de la taille du crabe, mais de la forme du homard, vraisemblablement la langoustine, sous son représentant commun en Europe Nephrops norvegicus Linné, 1758. Arist. HA 529 b 20 - 530 a 12 décrit deux sortes de pagures ou bernard-l’ermite, qu’il juge appartenir à la fois aux crustacés et aux testacés : le « petit crabe » (καρκίνιον), le bernard-l’ermite commun, Pagurus bernhardus Linné, 1758, et le « bancal » (κύλλαρος). La tradition latine, à la suite de Pline (Plin. nat. 9, 95-99), n’a pas disposé dans sa terminologie d’une classification aussi précise. Si Plin. nat. 9, 95 décrit bien la langouste qu’il désigne sous son nom latin, locusta, en revanche, il désigne sous le nom générique cancer des espèces dont il a emprunté les dénominations calquées du grec (carabi, astaci, maeae, paguri, Heracleotici, hippoe) à la liste dressée par Aristote (Arist. HA 525 a 30-35) et dont il a confondu les descriptions dans un résumé maladroit (Plin. nat. 9, 96-97). Il est donc ici très difficile d’interpréter les différents sens que peut prendre le terme cancer alors que les notices sont loin de fournir des critères décisifs. Voir, pour la terminologie grecque, D’Arcy Thompson 1947, s. v. ἀστακός, Ἡρακλεωτικός, ἴππος, κάραβος, καρίς, καρκίνιον, καρκίνος, μαῖα, πάγουρος ; pour la terminologie latine, De Saint-Denis 1947, s. v. astacus, carabus, caris, cammarus, cancer, heracleoticus, hippoe, locusta, maea, pagurus, pinoteres.

Notes de source :

8. « […] Et sur un rivage qui se situe sur la mer de Judée, on trouve de petits crabes et on les appelle “soldats” à cause de la rapidité de leur course, car ils courent si vite qu’on ne peut les attraper. Et si on en attrape un et qu’on l’ouvre, on ne trouve en lui ni chair ni déchet d’aucune sorte parce qu’ils ne prennent pas de nourriture ». | 

9. «  Il existe dans la mer occidentale des crabes qui attrapent les hommes et les entraînent sous l’eau, mais ils ont le dos dur comme les crocodiles ». Thomas de Cantimpré se trompe dans l’attribution de la citation et Albert le Grand le suit. | 

10. « Elles [les langoustes] restent cachées pendant cinq mois. De même les crabes, qui se dissimulent à la même époque ; et les uns et les autres, au début du printemps, se dépouillent de leur mue à la manière des serpents et font peau neuve. » | 

12. « […] En hiver ils recherchent les rivages ensoleillés, en été ils se retirent à l’abri, dans les profondeurs. Tous les animaux de cette catégorie souffrent de l’hiver ; ils engraissent à l’automne et au printemps, surtout à la pleine lune ». | 

13. « Ils servent de remède contre les piqûres de serpents ». | 

16. Voir AM, DA, 4, 1, 18-33

Notes d'explication :

2. Albert le Grand veut parler des animaux dont la carapace est molle à l’origine, avant de durcir, par opposition avec les coquillages, dotés de coquilles « dures » dès leur naissance. | 

3. Tout en rappelant à grands traits le classement d’Aristote, Albert le Grand assume ici de ne pas en tenir compte et de réunir toutes les espèces de crustacés sous une même dénomination. On constate ailleurs cette tendance à réunir sous une appellation générique plutôt que diviser en espèces spécifiques. | 

4. Sur le mouvement des cancri, Albert le Grand s’oppose ici à Thomas de Cantimpré qui suit sa source Adelinus et écrit : nec unquam novit ante faciem suam ambulare. L’information délivrée par Thomas de Cantimpré sur la marche rétrograde des cancri ne traduit qu’imparfaitement la réalité du mode de locomotion des crustacés. Les espèces marcheuses ont adapté leur mode de locomotion pour mieux vaincre la résistance de l’eau en se déplaçant en file indienne, ou de côté et en diagonale. Les pléopodes et le telson permettent aux espèces nageuses de se déplacer en avant comme en arrière. Des espèces marcheuses, comme les homards et les langoustes, peuvent aussi nager rapidement en arrière grâce à la détente énergique de leur abdomen. Plin. nat. 9, 95, a observé cette faculté chez les langoustes (locustae) et en fait une description très précise, mais, quelques lignes plus loin (Plin. nat. 9, 99), il indique que ce sont les crabes (cancri) qui, lorsqu’ils sont effrayés, s’enfuient en reculant, sans avoir conscience de déformer un renseignement donné par Aristote (Arist. HA 590 b 27-28), justement sur les langoustes (καράϐοι). | 

6. Il s’agit de gastrolithes, concrétions calcaires que les crustacés fabriquent dans leur estomac et qui se situent en effet juste à l’arrière des yeux, raison pour laquelle on les appelle « yeux d’écrevisses ». Ces concrétions blanches et demi-sphériques aident à la formation de la nouvelle carapace après la mue. | 

7. Il est rare qu’Albert le Grand forunisse des informations thérapeutiques, mais celle-ci semble bien être un constat personnel (Grmek & Guinot 1965). | 

11. Les informations délivrées par Thomas de Cantimpré et reprises par Albert le Grand sur la mue des crustacés viennent originellement d’Aristote (Arist. HA 601 a 10-18) via Pline. En effet les crustacés grandissent par mues successives et rejettent la carapace dure qui empêche l’extension de leurs tissus. Leur nouvelle carapace, d’abord molle, se gonfle d’eau et de sels minéraux et se calcifie progressivement. La mue se produit chez l’adulte en moyenne une fois par an, bien que les crustacés muent plus rarement une fois la maturité atteinte. | 

14. Les vertus thérapeutiques des crabes contre les morsures de serpents sont signalées depuis l’Antiquité : par exemple, par Plin. nat. 32, 55, qui mentionne, dans ce cas, la supériorité des remèdes tirés du cancer de rivière sur ceux tirés du cancer de mer. | 

15. Thomas de Cantimpré, suivi et résumé par Albert le Grand, place les renseignements qu’il fournit ici sous l’autorité d’Aristote, qui traite avec précision de l’accouplement et de la reproduction des crustacés. Aristote (Arist. HA 526 b 26-33 ; HA 541 b 19-33) distingue le comportement des homards, des langoustes et des crevettes de celui des crabes. La notice de Thomas de Cantimpré correspond à la description de l’accouplement des crabes (Arist. HA 541 b 25-29). L’accouplement des crustacés se produit généralement au moment de la mue, quand la carapace molle de la femelle facilite l’insémination, mais les homards et les langoustes peuvent s’accoupler avec des femelles dures. | 

17. Cet exemple de l’ingéniosité dont font preuve les crabes pour déjouer les défenses de l’huître est un topos récurrent de la littérature moralisante des bestiaires et des recueils d’emblèmes.