CopierCopier dans le presse-papierPour indiquer l’adresse de consultation« Albert Le Grand - Les animaux — Livre XXIV. Les animaux aquatiques.  », in Bibliothèque Ichtya, état du texte au 21/11/2024. [En ligne : ]
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Édité et traduit par Brigitte Gauvin.

<Zytyron [la tortue de mer1identificationIl s’agit d’un animal fabuleux inspiré de la tortue marine, à rapprocher d’autres poissons imaginaires à figure humaine, comme le poisson moine ou le poisson évêque (cf. Rondelet pisc. 16, 20 et 21). Albert le Grand, qui suit fidèlement Thomas de Cantimpré, ajoute une note personnelle à la fin du chapitre en reconnaissant en ce monstre un avatar de la tortue, dont la carapace fournit au départ l’image de la cuirasse, sur laquelle sont venus se greffer des éléments fantaisistes, notamment une métamorphose anthropomorphique. Selon Cipriani 2017, 27 et 47, le terme viendrait du flamand zeetiron ou zeetriton. Cette latinisation d’un nom vernaculaire dans un passage attribué au Liber rerum pourrait indiquer une intervention personnelle de Thomas de Cantimpré. Sur le poisson-chevalier, voir Leclercq-Marx 2017, Chevaliers marins ; Leclercq-Marx 2017, Formes et figures. ?]>

Renvois internes : cf. Barchera, ch. 19 ; Testudines, ch. 123 ; Testeum, ch. 125 ; Tortuca, ch. 126.
Lieux parallèles : VB, De zytyron (17, 139) ; HS, Zitiron (4, 105).
2. [α] AM
138. Le zytyron est, dit-on, un animal de mer que les Anciens ont appelé « soldat »2explicationLa première mention du soldat de mer figure dans le De naturis rerum d’Alexandre Nequam (2, 25) : Est enim, ut perhibent, in marinis aquis piscis armatus in modum militis,« Dans les eaux de la mer, il y a, à ce qu’on raconte, un poisson armé comme un soldat ».  ; c’est un animal de grande taille et très fort. Dans la partie supérieure de son corps, cet animal présente l’apparence d’une sorte de soldat armé. Sa tête est comme couverte d’un casque de peau dure et rugueuse ; à son cou semble pendre un bouclier long, large, dur et très solide, creux à l’intérieur ; et de son cou et de ses épaules semblent partir des veines et des nerfs par lesquels ce bouclier est attaché ; c’est un bouclier de forme triangulaire. Ses pattes avant sont semblables à de longs bras ; elles sont très puissantes, fourchues et lui donnent une très grande force pour se battre ; et quand on le capture, on a du mal à le tuer, sinon avec des marteaux3explicationJusqu’à ce point, les indications correspondent à la tortue de mer. Albert le Grand ne retient pas la description anthropomorphique qui suivait ces indications chez Thomas.. Cet animal est apparu dans la mer de Bretagne 4explicationL’information figure déjà chez Thomas de Cantimpré. J. Leclercq-Marx montre bien comment les contreparties marines d’origine extrême-orientale, transmises par les auteurs grecs et latins, rencontrent l’imaginaire germano-celtique, par exemple dans le cas du poisson-chevalier. Dans le Liber monstrorum, écrit en Angleterre, le mélange des semences générateur de monstres qui se produit dans la mer n’est plus localisé dans la mer tyrrhénienne, comme chez Pline, mais in mare Britannico ; les premières apparitions du miles marinus se font vers 1220 chez Alexandre Neckam et Gervais de Tilbury, deux auteurs anglais, et le deuxième reprend l’indication In mare britannico pour localiser son miles marinus. Thomas de Cantimpré, nourri de toutes ces influences, a naturellement placé le zitironin mare Britannico.[α] et il appartient à la catégorie des tortues de mer5explicationOn retrouve encore ici le souci d’Albert le Grand de rationnaliser et de réfléchir en catégories animales..

Notes d'identification :

1. Il s’agit d’un animal fabuleux inspiré de la tortue marine, à rapprocher d’autres poissons imaginaires à figure humaine, comme le poisson moine ou le poisson évêque (cf. Rondelet pisc. 16, 20 et 21). Albert le Grand, qui suit fidèlement Thomas de Cantimpré, ajoute une note personnelle à la fin du chapitre en reconnaissant en ce monstre un avatar de la tortue, dont la carapace fournit au départ l’image de la cuirasse, sur laquelle sont venus se greffer des éléments fantaisistes, notamment une métamorphose anthropomorphique. Selon Cipriani 2017, 27 et 47, le terme viendrait du flamand zeetiron ou zeetriton. Cette latinisation d’un nom vernaculaire dans un passage attribué au Liber rerum pourrait indiquer une intervention personnelle de Thomas de Cantimpré. Sur le poisson-chevalier, voir Leclercq-Marx 2017, Chevaliers marins ; Leclercq-Marx 2017, Formes et figures.

Notes d'explication :

2. La première mention du soldat de mer figure dans le De naturis rerum d’Alexandre Nequam (2, 25) : Est enim, ut perhibent, in marinis aquis piscis armatus in modum militis,« Dans les eaux de la mer, il y a, à ce qu’on raconte, un poisson armé comme un soldat ». | 

3. Jusqu’à ce point, les indications correspondent à la tortue de mer. Albert le Grand ne retient pas la description anthropomorphique qui suivait ces indications chez Thomas. | 

4. L’information figure déjà chez Thomas de Cantimpré. J. Leclercq-Marx montre bien comment les contreparties marines d’origine extrême-orientale, transmises par les auteurs grecs et latins, rencontrent l’imaginaire germano-celtique, par exemple dans le cas du poisson-chevalier. Dans le Liber monstrorum, écrit en Angleterre, le mélange des semences générateur de monstres qui se produit dans la mer n’est plus localisé dans la mer tyrrhénienne, comme chez Pline, mais in mare Britannico ; les premières apparitions du miles marinus se font vers 1220 chez Alexandre Neckam et Gervais de Tilbury, deux auteurs anglais, et le deuxième reprend l’indication In mare britannico pour localiser son miles marinus. Thomas de Cantimpré, nourri de toutes ces influences, a naturellement placé le zitironin mare Britannico. | 

5. On retrouve encore ici le souci d’Albert le Grand de rationnaliser et de réfléchir en catégories animales.